• La calèche tremblait à chaque petit gravas passant sous les roues tandis que la jeune femme tentait tant bien que mal de rester sur la charrette arrière tout en se retenant d’éternuer à cause de la paille qui venait s’écraser contre son dos et chatouiller ses narines. Sans compter sa valise qui menaçait de valser d’un moment à l’autre hors du transport. Elle avait très envie de grogner, mais étant donné que ce vieux fermier lui avait gentiment proposé de la conduire jusqu’à l’orée de la forêt, elle allait faire un effort. Devant, elle pouvait entendre la respiration des chevaux sous l’effet de l’effort, une cloche d’église sonner 7h (La cloche du village qu’elle venait de passer, certainement) ainsi que le vent siffler jusqu’à ses oreilles avec la vitesse. Le début du printemps se faisait sentir, l’air était plus léger et moins frais que l’hiver passé, ce qui ne l’empêchait pas de frissonner un tantinet, après tout, il était encore tôt et les températures n’étaient pas suffisantes pour se sentir à l’aise. Les champs aux alentours brillaient au soleil du petit matin, mouillés par la rosée. Elle cala une de ses mèches rebelles châtain, pensive. Grâce à ce travail de bonne qui l’attendait, elle allait pouvoir prendre un nouveau départ, s’éloigner des grandes villes, du monde. Elle pourrait enfin mettre son passé de côté et tout recommencer et cela sans que personne ne l’en empêche. Cet emploi  était d’ailleurs apparu à point nommé, au moment où elle était la plus perdue et qu’elle risquait de faire une terrible erreur, apparu comme si on avait réalisé son souhait, comme si tout avait été calculé pour qu’il soit la lumière qu’elle attendait : Un manoir isolé du reste du monde ( 15 kilomètres du village le  plus près), une forêt empêchant quiconque de venir troubler la sérénité qui y régnait, pas d’enfants. Tout était parfait.

    Elle tourna la tête, sentant soudainement une bourrasque plus violente que les précédentes. Ils étaient désormais dans un couloir d’immenses arbres (en bordure des bois ?), avec de chaque coté de la route, un précipice menant à une partie de la forêt bien plus basse et profonde. Le soleil ne paraissait pas sur cette route, laissant une constante humidité et ainsi rendant la route plus dangereuse qu’elle ne l’était déjà. Peu rassurée, elle se tourna vers le fermier, qui paraissait on ne peut plus calme. Ce dernier dû sentir qu’elle l’observait, car il cracha d’un geste sec sa pâquerette qu’il mastiquait et engagea la conversation le temps de récupérer une remplaçante le long de la route (sans pour autant s’arrêter…).

    « -Si vous devez prendre c’te route plus tard, ma p’tite dame, j’vous conseille d’vous méfier lors des saisons d’pluies, elle glisse comme si on y avait placé des milliers de limaces, haha ! »

    Et il se tût  pour retourner à sa mastication. La jeune femme eut un frisson à chaque tournant qu’il prenait un peu trop vite, effrayée à l’idée de finir dans le précipice. Elle soupira de soulagement lorsqu’ils sortirent enfin de cet endroit pour ensuite retourner à sa contemplation du paysage, rêveuse.

    La calèche s’arrêta brusquement dans un dernier sursaut, manquant de faire tomber en avant la jeune femme et ainsi d’embrasser violement un sol qui n’attendait que ça. Elle se releva et épousseta sa longue jupe  avant de récupérer sa valise. Le vieil homme lui fit un signe de la main, ne pouvant pas articuler mot avec la brindille qu’il mâchonnait sans pitié, lui indiquant le chemin à prendre pour sa nouvelle vie.  Elle avait désormais encore 5 kilomètres à faire à pied avant d’arriver. En aucun cas découragée, elle le remercia et s’engagea sur le sentier de la forêt. Derrière elle, elle laissa son passé sous forme d’une douce odeur de lavande, et avant de disparaitre dans les ténèbres des bois, le fermier put apercevoir sa silhouette svelte habillée de sa longue jupe noire voletant au vent et son chemisier blanc se froissant sous l’effet de la brise.

    Après une bonne heure de marche régulière, la jeune femme aperçut enfin une cour. Cachée au fond des bois, cette maison était vraiment isolée. Une grande demeure à la française imposante s’offrait à elle. Comment ces gens arrivaient-ils à vivre aussi loin de tout  se demandait la jeune femme ?. Sur ces pensées, elle traversa la cour de gravillons en évitant de trébucher à cause de ses talons, se dirigeant vers les escaliers qui menaient à la grande porte d’entrée. Elle posa sa valise à terre et eut un moment d’hésitation lorsqu’elle voulut toquer. Etait-ce vraiment la seule solution ? Faisait-elle le bon choix en venant ici ? Oui, elle en était certaine, sa vie allait enfin pouvoir reprendre son cours, elle pourrait de nouveau revivre. Elle prit le butoir à tête de lion entre sa main et le frappa contre la porte. L’écho de son geste raisonna dans la cour, faisant s’envoler en croassant quelques corbeaux. Puis aucun bruit, si ce n’est à l’intérieur de la maison un bruit régulier de talons sur le marbre se rapprochant. Elle se redressa pour montrer à ses employeurs la meilleure des volontés et la porte s’ouvrit. Sur le pas de la porte se dressait une femme d’âge mûr, au physique plutôt opulent et au regard sévère. Elle était plus petite qu’elle, mais sans qu’elle sache pourquoi elle paraissait plus imposante et lorsque son regard se posa sur elle, la jeune femme déglutit. Cependant cela ne l’empêcha pas de reprendre son sang froid et de se présenter courtoisement.

    « -Bonjour, je suis Adélaïde, votre nouvelle femme d’entretien. Je suis ravie de faire votre connaissance. »

     Son employeuse la relooka de haut en bas sans même bouger la tête et soupira.

    « -Je ne m’attendais pas à quelqu’un d’aussi chétif que vous. Enfin, je vais m’en contenter, ma foi. »

    Dans son for intérieur, Adélaïde s’offusqua de se faire juger de cette manière par une inconnue. Mais elle ne parut pas froissée extérieurement, elle garda ses commentaires déplacés pour elle et préserva ses expressions qui auraient pu lui porter préjudice. La vieille femme la fit rentrer et referma la porte derrière elle sèchement. Alors qu’elle lui faisait visiter les lieux, elle se présenta.

    « -Je suis Madame Duchamps, votre employeuse. Etant donné votre statut inférieur au mien, je vous demanderais de ne pas oublier votre place et d’être respectueuse. Les règles sont simples ici, faites vous la plus discrète possible, ne cassez rien, ne vous révoltez pas, ne vous mêlez que de ce qui vous regarde et restez polie avec les autres habitants de cette demeure, n’oubliez pas que, qui que vous croisiez ici est d’un rang incomparable au vôtre et que vous leur devez un respect imparable. De plus, je veux venant de vous une fidélité indiscutable et cartésienne, un travail soigné et pointilleux. J’aime particulièrement lorsque les petites rainures de mes fenêtres sont parfaitement propres, me suis-je bien faite comprendre ?

    -Oui, Madame, parfaitement.

    -Bien. J’espère que vous serez plus efficace et correcte que toutes les autres potiches avant vous, ajouta-t-elle en balayant son commentaire d’un revers de main.

    -Je l’espère aussi.

    -Parfait. Je vais terminer la visite. »

     Selon ses dires, elle me fit faire le tour de la maison, se permettant un petit commentaire dans certaines pièces notamment sa chambres qu’elle ne voulait pas que je nettoie sans autorisation et que j’y entre sans permission ainsi que la cave dont elle m’interdit tout bonnement l’entrée sans même se justifier. La demeure était si grande que si Adélaïde n’avait pas été aussi attentive elle se serait certainement perdue plus tard. Elle s’étendait sur un étage et on y comptait ainsi la cave, le rez-de- chaussée et le premier étage. On pouvait y dénombrer plusieurs salles de repos, de nombreuses chambres meublées ou non, de même vis-à-vis des salles de bains et cabinets. Les seules salles qui se différenciaient des autres étaient la cuisine, immensément grande aussi avec tous les outils nécessaires pour lancer une véritable industrie de petits cuisiniers, tellement qu’Adélaïde se demanda un court instant si la place si importante dans cet endroit n’était pas tout simplement pour effectuer quelques activités macabres. Elle secoua la tête pour effacer cette idée saugrenue de son esprit. Et cette cave que Madame Duchamps lui montra seulement de l’extérieur, on y accédait par un couloir qui se trouvait au fond de la maison. Là une porte en bois où l’on ne pouvait atteindre cette cave qu’en descendant les escaliers abruptes, dangereux et peu éclairés. Au bout de ceux-ci, un mince couloir qui menait à une nouvelle porte en sapin jonchée d’une ouverture bardée de barreaux en métal et derrière, la fameuse cave qui était abandonnée depuis quelques années selon les dires de Madame. Ainsi fut la seule impression qu’elle eut de cette cave : son extérieur peu rassurant.

    Peu de personnes vivaient ici, comme put le remarquer par la suite Adélaïde. Parmi les habitants de cette demeure, autre que Madame, se trouvait le cuisiner Gustave, un homme à l’opulence semblable à celle de Madame Duchamps. Il devait avoir une cinquantaine d’années et se baladait avec une ceinture de couteaux ajustée au- dessus de son tablier jauni et sali, tout cela avec une expression perverse continuelle figée sur son visage. Son sourire restait ce qu’il y avait de plus angoissant dans ce personnage, un sourire psychopathe jonché de grosses lèvres baveuses. Sa bedaine tombante et ses quelques cheveux restant plaqués sur son crâne, cet homme, bien que sa largeur concurrença celle de son employeuse, était massif et imposant. Il  semblait avoir un lien de parenté avec Madame à en juger par quelques traits communs. Adélaïde se promit d’éviter au maximum le contact avec cet individu.

    Monsieur Duchamps concluait la pauvre liste d’occupants. Il n’était pas souvent à la maison au plus grand soulagement d’Adélaïde qui le craignait plus que tout. Les deux autres étaient de maigres fretins à côté de lui. Elle ne l’avait croisé que le lendemain de son embauche. Alors qu’elle s’activait à astiquer les vases dans un coin reculé de la résidence, elle fit sa rencontre. Un homme imposant et inquiétant qui ne faisait que passer. Elle ne l’entendit pas arriver et par la suite, lorsqu’elle avait le plus besoin de s’endormir, elle l’imaginait involontairement se déplacer tel un fantôme, ce qui n’aidait pas ses insomnies. Il paraissait accompagné par l’obscurité car où qu’il aille, on ne pouvait le distinguer complètement. Ce jour-là, il s’était placé devant la fenêtre, si bien qu’elle le vit à contre-jour. Une masse intimidante qui la surplombait et la fixait de ses yeux cruels et  impitoyables furent les seules choses qu’elle put entrapercevoir en plissant les yeux. Il semblait contenir en lui toute la haine du monde et une aura malveillante planait autour de lui. Ses vêtements distingués et bien ajustés le rendaient encore plus menaçant et si on lui avait dit que cet homme était un bourreau ou un tueur sanguinaire, elle l’aurait cru sur le champ. Lorsqu’il ouvrit la bouche, ce fut avec froideur qu’il s’adressa à elle.

    « -Qui êtes-vous ? »

    Elle tressaillit rien qu’en rencontrant son regard. Elle reposa maladroitement ce qu’elle tenait entre ses mains et s’inclina poliment.

    « -Je suis Adélaïde, votre nouvelle femme d’entretien. Enchantée. »

    Il continua de la fixer sans répondre quelques instants.

    « -Aimez-vous les histoires ?

    (Elle écarquilla les yeux, étonnée d’une telle question avant de reprendre son sang -froid.)

    -Je crois…Puis-je vous demander pourquoi vous me posez une telle question ? »

    Il se retira de la fenêtre et s’approcha d’elle, la faisant reculer de quelques pas. Il se pencha dans sa direction, les mains dans les poches et eut un rictus.

    « -Parce que j’espère pour vous que vous n’êtes pas d’une nature curieuse… ça serait dommage de gâcher un si beau visage comme le vôtre… »

    Figée de terreur, ses lèvres tremblèrent. Fier de voir que son petit numéro avait parfaitement marché sur elle, il se redressa et ricana, toujours en la regardant droit dans les yeux. Alors qu’il avait fait volteface tranquillement et commençait à s’éloigner, il ajouta d’un geste de la main sans même se retourner dans sa direction :

    « Je reste ici jusqu’à demain matin. Si l’envie vous prend, passez me voir dans ma chambre, je serai ravi de faire plus ample connaissance avec vous… »

     

    Et sur ces mots il repartit en s’esclaffant. Dans un coin de sa tête, elle écrivit en gras et majuscules « NE SURTOUT PAS ALLER DANS LA CHAMBRE DES DUCHAMPS » et le surligna plusieurs fois vivement. Elle avait clairement compris qu’en plus de l’avoir menacée, il l’avait clairement invitée à tromper sa patronne. Elle en resta pétrifiée de nombreuses minutes et dut s’appuyer contre la commode d’à côté pour reprendre son souffle. Jamais un homme ne lui avait fait un effet pareil, elle se sentait toute petite et fragile comme un lapin. Elle aurait pu croiser Jack l’Eventreur au coin d’une ruelle sombre, l’émotion aurait été identique. Elle en ferma même à clé sa chambre le soir et la garda fermement dans sa main lorsqu’elle fut couchée, de peur qu’il la rejoigne. Elle ne trouva cependant pas le sommeil cette nuit-là, comme beaucoup de nuits antérieures d’ailleurs. Mais ce n’était pas ses démons du passé qui la hantaient cette nuit-là, c’était le regard, le rictus de cet homme, et l’idée même qu’il se trouvait peut-être derrière sa porte.


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  •  

    Les flammes dansaient devant les yeux de la petite accompagnées d’un hurlement en fond tout droit sorti des enfers. Presque fascinée, elle ne prêtait attention qu’à ce feu qui lui ravivait tant de souvenirs. Elle assistait à travers ces flammes à des flash-backs de son passé se déchainant au rythme des crépitements. Elle ne bougea pas pendant de longues minutes, fixant cette demeure prendre feu avec un sentiment indescriptible. Les lèvres pincées, chaque chute d’un morceau de cette maison accélérait son rythme cardiaque autant que lorsque chaque souvenir lui revenait de plein fouet. Les cris de l’homme à l’intérieur avaient cessé depuis déjà 2 minutes et elle ne ressentait qu’une sorte d’apaisement mêlé à une sensation de devoir accompli. «  Plus jamais » et « C’était pour lui, pour EUX. » pensait-elle en boucle. La chaleur fit soudainement éclater les vitres de la résidence, envoyant une bourrasque d’air chaud au visage de la jeune fille et par la même occasion chassant toutes ses pensées. Elle devait partir maintenant.

    Regardant un dernier instant le toit s’affaisser dans un crépitement et une explosion de flammes, elle se retourna et entreprit le chemin vers la route, vers sa famille. Elle boitait et se tenait toujours le bras, mais c’était inconscient, pour le moment, l’adrénaline que lui provoquait ce feu engourdissait toutes ses blessures et les rendaient imperceptibles. Elle savait cependant que sa souffrance physique, elle la retrouverait d’ici quelques minutes, mais ce dont elle était sûre, c’est qu’elle laissait derrière elle sa souffrance psychique, celle qu’elle avait accumulée depuis tant d’années dans ce lieu et qui l’avait tant fait pleurer.

    Maintenant, elle pouvait retrouver la paix. Maintenant et à jamais, plus jamais de douleur.


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  • Un brouhaha d’indignement et un cri de douleur retenti dans nos oreilles. Mes yeux s’ouvrirent lentement. J’avais vaguement entendu May sortir un hurlement étouffé, ce qui m’avait provoqué un léger frisson de joie. Emergeant de ce désagréable sommeil qui gratte, je tentais de remettre mes vertèbres à leur place tout en retirant l’herbe séchée. Il faut dire que notre chute du haut de la fenêtre n’avait rien arrangé. Ralentie par des draps tendus horizontalement qui, dieu soit loué, avait sauvé notre coccyx d’un douloureux atterrissage, nous nous étions arrangé pour dormir dans « l’écurie » d’en face étant donné que Pitch refusait catégoriquement de nous faire rentrer. Dans le noir et à tâtons, nous n’avions pas pu remarquer ce qui s’y logeait, seulement atteindre maladroitement un enclos et de la paille pour y dormir. Le matin était donc douloureux et bruyant comme à son habitude. J’étais prête à découvrir le nouveau malheur qui nous était encore tombé dessus. Mes yeux s’ouvrirent, j’avais très mal dormi à cause de l’absence de matelas, mais j’avais réussi à récupérer Jack pour me servir de traversin à enlacer, encore. Cependant ce n’était pas le Jack que j’envisageais de voir à mon réveil mais quelque chose d’écailleux que je serrais fort contre moi et qui me regardait avec un regard félin sceptique. Sa langue de reptile sortit un bref instant de sa gueule comme pour me faire comprendre qu’il fallait lâcher. Lentement je lui rendais sa patte arrière et cherchais mes compagnons d’un œil désespéré. Tous étaient scotchés au fond de l’enclos et me fixaient avec de grands yeux apeurés.

    « -Surtout Mayu, ne bouuuuge pas, articula lentement Tama.

    -Ou sinon tu vas te faire dévorer comme Mary-Sue, continua Jack, le cœur au bord des lèvres.

    -Hihihi, tu aurais dû voir la tête qu’elle faisait avant de se faire avaler d’un coup, comme si elle ne comprenait pas qu’on puisse lui faire ça.

    -Pour le coup, Mélo à raison, sa majesté n’a apparemment jamais vécu un traumatisme de ce genre, ricana mon amie, maintenant, essaye de reculer lentement avant qu’on n’en perde une autre. »

    Je déglutis et observais de nouveau les deux grands yeux dragonesques qui ne me lâchaient pas un instant. Puis je pensais une seconde à Croquemou dans Dragons. Peut-être était-il pacifique lui aussi… ? Je tendis une main hésitante en direction de son museau, tentant une approche sympathique. Le son de sa machoire qui claqua, ratant ma main d’un millimètre fit disparaitre cette idée aussi vite qu’elle était arrivée. Caressant ma main qui avait failli y passer, je couinais en faisant une grimace terrifiée.

    « -Je vais mourir ! Compris-je. »

    Tous hochèrent vigoureusement la tête en signe de consentement. La créature rapprocha son museau de mon front et ouvrit grand la gueule. Toute petite face à ces rangés de dents et cette haleine putride, je n’osais plus respirer, tétanisée. Jack se leva d’un coup, prêt à intervenir, sans pour autant lâcher le bras de Tamalice, entrainée malgré elle dans cet acte pas si héroïque que ça. Sans réfléchir, il s’avança, les doigts toujours fermement plantés dans la chair de l’elfe qui n’eut pas le temps de rechigner. Cependant il omit que le sol pouvait être encombré par une queue géante de reptile. Il trébucha lamentablement sur celle-ci et s’écrasa de tout son long. Tama, entrainée dans sa chute, écrasa d’un talon ferme la queue du dragon et s’agrippa à son aile pour se rattraper, acte inconscient qu’elle regretta immédiatement. La bête laissa échapper un rugissement de douleur. Soudainement prise de folie, elle m’attrapa entre une de ses pattes griffues, se heurta à toutes les parois de l’enclos avant de réussir à enfoncer la porte, briser la totalité des autres verrous d’un puissant coup de tête et s’envoler dans le ciel suivit d’un troupeau entier d’autres dragons. Tamalice hurla, accrochée au dos de la bête, elle s’agrippa comme si sa vie en dépendait. Jack pendouillait par le sweat. La queue du dragon s’étant agitée tout autant pendant son coup de folie, était venu s’enfiler dans son sweat du bas de son dos jusqu’à la sortie du cou. L’ayant fait percuter quelques murs avant l’envol, il ne réalisait pas encore l’étendue de sa situation, sonné. Quant à Mélo, elle s’était joyeusement accrochée au bras du malheureux avant le décollage et miaulait de joie. La bouche ouverte, ma peur ne sortait pas, me laissant ainsi avec une expression semblable au cri de Munch. Puis le cri de Jack en voyant le sol bien trop loin pour se rattraper, accentué par celui de Tamalice et de Mélo, je laissais place à un glapissement d’effroi. Le paysage changeait, les bâtiments se rapprochaient, s’éloignaient, les autres dragons, agités, s’écrasaient les uns contre les autres, rendant le vol de ce dragon complètement désastreux et aléatoire. Ce vol me rappelait l’affreuse conduite d’une ancienne babysitter et me donna la nausée. Devenue verte entre deux beuglements, je prévins mon amie.

    « -Tama… Je me sens pas très bien…

    (elle baissa le tête un instant dans ma direction avant de regarder de nouveau droit devant elle)

    -Merde, merde, merde. Les gars, on a un gros problème là !

    -Elle va gerber partout, ahahaha, s’amusa Mélo.

    -Il faut faire atterrir ce truc ! Articula Jack, balloté dans tous les sens.

    -ATTENTION ! Hurla Tamalice en voyant approcher une tornade de flamme venant d’un dragon qui tourbillonnaient, déboussolé. »

    Les flammes s’écrasèrent contre les ailes de notre dragon, les lui brulant. Tamalice serra les dents en sentant le feu grignoter le bout de ses doigts et agita frénétiquement une main pour éteindre le début d’incendie capillaire qu’elle avait tout en gardant son autre main fermement accroché. Dans un bruit de chute semblable à celui d’un avion qui dégringolait, nous tombions à toute vitesse en direction de la ville. Nos cris de terreur étaient étouffés par le son de notre chute et le dragon se mettait à tourbillonner en piquet au fur et à mesure qu’il prenait de la vitesse.

    Un bâtiment dans notre champs d’atterrissage, un fracas énorme lorsque la bête traversa le toit de tuiles, un atterrissage sur une table à manger pleine à craquer de victuailles. Arrivé au milieu d’un grand repas, les 5 membres de cette famille attablée en lâchèrent leurs couverts et tout ce qu’ils avaient dans leur bouche. Sonnés, nous ne réagissions pas sur le coup. Tout le monde était plus ou moins sain et sauf, les pires blessures étant celles du dragon qui risquait d’y passer et une fourchette plantée dans la cuisse de Jack. Tamalice glissa le long du dos du reptile volant comme si soudainement elle était elle aussi devenu serpent. Elle dégringola sur un sol stable et s’écroula en versant une larme, pensant qu’elle ne reverrait jamais la terre ferme. Jack, sur le dos, était toujours coincé telle une tortue. Grimaçant de douleur, il retira d’un coup sec l’objet contendant de sa cuisse en poussant un juron. Puis il s’agita frénétiquement pour extirper cette queue de son sweat et ainsi pouvoir se relever. C’est à cet instant que Mélo tomba du toit gracieusement, son adresse féline lui ayant permis de sauter avant l’impact. Elle atterrit de tout son poids sur l’estomac de Jack qui cracha tout l’air de ses poumons dans un « Pffr ! » retentissant. Elle s’excusa et descendit d’une patte leste de son « perchoir » avant de refaire sa toilette comme si de rien n’était. Quant à moi, je m’écartais précipitamment des pattes de l’animal légendaire, rampait vers le bout de la table le plus proche et vomissais sur le sol en parfaite synchronie avec le dragon. La seule différence fut le contenu de notre dernier repas qui se rependait sur le parquet ciré, l’un à base de soupe et de pain, l’autre d’une Mary-Sue et de restes putréfiés d’un malheureux animal. Engluée dans une substance plus que suspecte et visqueuse qui empestait, elle se releva avec difficulté, ses gestes ralentis par la lourdeur et viscosité de cette gélatine dragonesque. Elle ne cria pas, ne parla pas, elle resta juste là, pétrifiée avec ses morceaux pourris glissant lentement le long de cette matière verte/jaune. Les bras écartés de son corps qui pendaient lamentablement, elle ressemblait à un oiseau mazouté. Elle était sous le choc en voyant ses beaux habits ruinés par de la bile de dragon et son brushing si parfait réduit à néant et englué. Ce fut certainement la seule fois qu’elle ne l’ouvrit pas pendant un bon quart d’heure, probablement de peur d’avaler ce que le dragon avait recraché sur elle.

    Je me remettais quant à moi doucement, blanche comme un linge, je me redressais et chercha du regard une serviette. Sans aucune gêne, je pris la première qui se trouva à ma portée et m’essuya nonchalamment la bouche. Puis, prise de conscience : nous n’étions pas seul dans cette pièce. Je me tournais vers les 5 étrangers qui ne pipaient pas mot. Les yeux grands comme des soucoupes, ils hésitaient à s’en prendre à nous à cause de l’énorme dragon qui s’étalait de tout son long entre nos deux groupes. Ne sachant pas s’il était encore en mesure de s’attaquer à eux, ils ne bougeaient pas, attendant qu’un d’eux face le premier vaillant pas. Voyant que cela n’allait pas tarder, je m’adressais aux autres après avoir déglutis :

    « -Les gars, je pense qu’on devrait partir…

    -J’approuve, dit Tamalice qui piochait désormais avec assurance dans certains plats et piquait quelques couverts en argent au passage. Laisse-moi juste remplir ma besace… Voilààààà… Je vais me faire une petite vitrine sympathique en rentrant, moi ! 

    -Messieurs dames, je suis confus… Commença à s’excuser Jack après s’être enfin dépêtré de la queue du reptile. Tamalice, ça suffit, on n’est pas à un buffet à volonté !

    -Berk, c’est trop salé, miaula Mélo après avoir gouté ce qui ressemblait à du poulet. Partons, ils ne savent même pas cuisiner correctement.

    -Vous ne partirez pas sans rembourser les dommages causés ! Hurla le chef de la tablé en s’avançant avec un marteau qu’il sortait de je ne sais où. Il était cependant encore un peu hésitant face au dragon qui était pris désormais de convulsions. »

    Son chemin barré par le reptile qui désormais crachait deux trois petits jets de feu, il prit son élan et envoya valser à la seule force de son bras droit son marteau. Sa carrure imposante en disait long sur sa puissance, mais c’est seulement en voyant le marteau s’écraser contre le mur à deux centimètres du nez de l’elfe et y rester figer qu’on comprit qu’il ne valait mieux pas rester plus longtemps.

    -FILONS ! Beugla Tama encore sous le choc. »

    Personne ne se fit prier deux fois, ni une, ni deux notre bande de bras cassés fuirent à toute jambe, Mélo la première, Mary-Sue la seconde laissant sur son passage de grandes traces vertes telle une limace, suivie de Jack boitant et à l’allure débraillée, puis de Tamalice et moi, mon amie ralentie par son sac plein à craquer et moi, persuadée que de trop brusques mouvements entraineraient de nouveaux des hauts le cœur.

    Dévalant les escaliers qui menaient au rez de chaussé, nous étions précédés par de grands cris, ils avaient outrepassé leur peur de la créature et nous poursuivaient désormais. Nous bousculions tous ceux qui se trouvaient dans notre chemin, plus effrayés par l’homme mi Thor- mi Hulk derrière que par les habitants maigrelets de cet immeuble. Tamalice finit par rattraper Mélo, et avec une force surpuissante, elle défonça la porte d’un coup d’épaule. Elle avait certainement dû être une voleuse ou une catcheuse dans un autre monde.

    Mais elle s’arrêta immédiatement lorsqu’elle vit Pitch planté en face d’elle, l’air menaçant. Un frisson d’extase la parcouru. Il était de retour. Jack en le voyant poussa son second juron de la journée, May reprit des couleurs mais resta muette, Mélo s’en contrefichait, préférant rappeler à la princesse la douce odeur qui émanait d’elle, et moi reprenant mon souffle et m’accroupissant pour atténuer la tempête dans mon système digestif n’y prêta même pas attention. Mais le maître des cauchemars ne nous laissa aucun répit, il attrapa l’elfe par le bras et nous emmena tous dans une ruelle plus loin, cachée de tout. Enfin en sécurité, il relâcha le bras de mon amie avec dédain.

    « -Comment tu nous as retrouvé, tu as un GPS dans le cul ou bien… ? Grommela Jack, manifestement devenu vulgaire suite à sa blessure par fourchette.

    -Difficile de ne pas savoir où vous vous trouvez avec tout le capharnaüm que vous venez de créer, siffla le croquemitaine entre ses dents.

    -Boarf, ce n’est pas si grave que ça, sifflota Tamalice en caressant l’endroit où Il l’avait touché, on a juste vaincu un dragon et évité un sosie de King Kong, je refais ça quand tu veux. (elle le fixa avec un air de défi à la limite du séducteur tandis que Mélo s’enfonçait un doigt dans la gorge pour simuler son dégout)

    -Oui, vous avez aussi délivré une horde de dragons qui s’en prennent en ce moment à la moitié de la ville. C’est l’apocalypse dans les rues entre ceux qui s’enfuient se cacher et ceux qui tentent de les arrêter, ajouta Pitch en hochant de la tête, un sourire ravi sur le visage. Autant de peur… Comme à une certaine époque! Comme c’est grisant… !

    -Pitié, ne me dites pas qu’il y a du sang dans les rues ou je vais tourner de l’œil, me plaignais-je, un peu moins blanche qu’avant.

    -Tu ne peux pas si bien dire… Ricana Pitch.

    (Je le fixais avec des gros yeux, pétrifiée)

    -Il faut venir en aide à ces gens, clama soudainement Jack en se redressant, oubliant quelques instants sa blessure.

    -Je serais plus tenter pour trouver quelqu’un qui pourra nous faire partir d’ici. Je n’arrive pas à m’habituer au fait de ne pas avoir de pouvoirs. J’ai l’impression d’être un de ces ridicules humains.

    -La vie de ces gens importe plus que tes pouvoirs !

    -Balivernes, Je suis le croquemitaine, sans moi, le monde des cauchemars ne tournerait pas et Sable ne servirait à rien. Alors un peu d’horreur ne fait pas de mal, et puis ça ne sera que plus facile de les terroriser ensuite…

    -Je ne vois même pas pourquoi j’essaye de discuter avec toi… Soupira le jeune homme. Faites ce que vous voulez, moi, je vais aider ces personnes.

    (Il commença à partir en direction des cris, quand je le retins par le bout du sweat.)

    -Ecoute, je ne veux pas être méchante mais sans tes pouvoirs, tu risques de te faire carboniser comme tous les autres… Pitch n’a pas en grande partie tort, trouver un moyen de vous restaurer vos pouvoirs et de vous faire rentrer est plus judicieux.

    -Elle a raison, la priorité reste de nous faire rentrer tous. Je vous propose de trouver un druide ou un savant, il doit bien en avoir un dans le coin. C’est comme les pharmacies ces trucs là… Ajouta Tamalice. »

    Jack bougonna, mécontent d’avoir tort tandis que Pitch s’abreuvait de sa mauvaise humeur avec un plaisir non dissimulé. Tamalice et moi nous réjouissions de pouvoir rester encore longtemps avec nos deux légendes et soupirions de soulagement. Nous avions failli les perdre. Mélo chantonnait, prête à nous suivre ou nous allions tant que l’animation restait telle quelle et Mary-Sue, silencieuse depuis tant de temps, s’éclairci la gorge pour attirer notre attention. Toute ratatinée et semblable à un petit lapin blessé, elle leva un doigt hésitant et demanda timidement :

    « -Et avant, on pourrait trouver une douche ? »


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  • « Au secours, elle veut pas me lâcher ! Elle a complètement pété une durite !! »

    Mayumi hurlait et gesticulait en essayant de se débarrasser de la fille féline qui s’était perchée sur sa tête et fourrageait ses cheveux en grondant et feulant, à la recherche de son sachet d’herbe à chat. Tamalice tentait désespérément de faire lâcher prise à cette dernière, paniquée à l’idée du fauve de quarante bons kilos décidé à faire la peau à la blonde, et poussait des petits cris apeurés en sautillant et en tournant autour de Mayu et de son agresseur. Pitch se débattait derrière elles, la pince toujours accrochée à la narine, et essayait en vain de la déloger en tirant dessus comme un forcené, tandis que Jack, au visage lacéré par Mélo, subissait les harcèlements sexuels de la splendide Mary-Sue, bien qu’un peu défigurée par le cocard qui enflait sous son œil et elle-même assaillit par Quenotte, qui voyait d’un très mauvais œil qu’une fille fasse du gringue à SON maître. Le tout vu de l’extérieur était un capharnaüm humain grognant, tapant, miaulant, criant et minaudant, bondissant en tout sens de manière totalement anarchique. Ils étaient sortis des égouts en plein milieu d’un carrefour, et autour d’eux s’accumulaient des carrosses et des charrettes, leur conducteur commençant à râler et à les menacer, alors que les piétons s’imposaient une distance respectueuse, voire changeaient de trottoir pour s’éloigner d’eux le plus possible.

    « Arrête de bouger Mayu ! T’es en train de l’énerver ! » S’écria Tamalice, affolée par le vacarme qui heurtait ses oreilles d’elfe.

    « -Elle est déjà énervée, vociféra le croquemitaine, envenimant la situation, furieux. La blonde parvint à recouvrir un peu de son calme et intervint :

    -Il faut partir d’ici, le bruit la rend dingue et quelqu’un va finir par nous casser la figure si on reste au milieu de la circulation ! »

    La troupe cessa quelques secondes son cirque et remarqua qu’elle n’avait pas tort ; en effet, plusieurs personnes s’approchaient d’eux en braillant des injures et faisant des gestes véhéments. Ni une ni deux, ils prirent leurs jambes à leur cou jusqu’à une ruelle proche et plus tranquille.

    Jack s’adossa au mur, essoufflé, rapidement imité par tous les autres membres de leur groupe, exception faite de Mélo, qui se détendait peu à peu, rétractant ses griffes de la tête de Mayumi. Il s’adressa à cette dernière, cordialement, avec son plus doux sourire : 

    « Jolie toque de fourrure, même le Père Noël serait jaloux. » La blonde rosit de plaisir et commença à gagatiser, tandis que Pitch et Mary-Sue tiraient la tronche, l’un à la mention de son ennemi, l’autre par jalousie pure et simple. Tous enfin soulagés de s’être tirés de cette situation, ils apprécièrent quelques secondes de silence, l’elfe proposant son aide au maître des cauchemars pour se débarrasser de la pince à linge récalcitrante et la fille-fauve ronronnant discrètement pour finir par descendre de la tête de son hôte, s’effondrant au sol, le ventre vers le ciel et dire :

    « C’est de la bonne, ça. »

    Elle tendit la patte vers le sachet d’herbes tombés des mains de Mayu, d’un coup tous hurlèrent un ‘’NOOONN !!!’’ Tonitruant en se jetant sur elle, la comprimant sous leur poids tandis que seule sa main ornée de coussinets sortait de cette mêlée, vacillante, à quelques centimètres à peine de la bourse tant désirée. La fille aux cheveux roses se tourna du mieux qu’elle pouvait vers son amie et annonça jovialement :

    « On aurait fait une bonne équipe de rugby quand même. »

    ***

    Les cinq victimes de cette aventure déambulaient dans les rues, suivant Mélo qui se massait le dos d’une main et tenait son énorme sac de voyage de l’autre, poussant de petits couinements malheureux et leur jetant parfois un regard mauvais. Après leur altercation pour le moins physique, ils avaient décidé de confisquer le sachet d’herbe à chat, encore douloureusement conscients de la catastrophe qu’un si petit objet avait provoqué. Pitch l’avait tenu en l’air tandis que la féline, désormais inoffensive sans l’influence de son herbe, sautillait devant lui en essayant d’atteindre la main dans laquelle il gardait la musette.

    Les autres avaient finalement réussi par la convaincre d’abandonner pour le moment, et ils s’étaient tous mis en route en direction de l’auberge que leur guide leur avait promis, leur proposant une chambre lorsqu’ils étaient encore dans la rivière.

    Ils arrivèrent devant une bicoque décrépie qui aurait bien eu besoin d’une remise à neuf, dont les rideaux déchirés pendaient tristement aux fenêtres, et de certaines s’échappaient des bruits de ronflements gras et épais ou des disputes. Une assiette traversa à toute vitesse une vitre, comme catapultée et une voix de femme invectiva quelqu’un d’insultes colorées. Une bande d’hommes éméchés avachis au pied de la façade jetèrent des regards égrillards aux jeunes femmes, qui frissonnèrent et eurent fugitivement l’impression d’être à poil. Un ange passa.

    « On dort dehors ? »

    Personne n’eut l’idée de protester. Ils se regardèrent, mal à l’aide, et se retournèrent en entendant la voix de Mélo, quelques mètres plus loin.

    « Bon, vous allez rester plantés là encore longtemps ? Je vous attends moi ! »

    Elle était sur le trottoir d’en face, devant un charmant établissement aux murs immaculés et aux volets rouges et vernis, tapotant du pied, les bras croisés en les dévisageant.

    Ils comprirent avec un soulagement immense que c’était l’auberge où ils allaient passer la nuit.

    « -Je suis sûr qu’elle nous a fait croire qu’on allait dormir dans la pétaudière pour se venger de l’herbe à chat » maugréa Mary-Sue.

    ***

    « Vos plus belles suites pour des clients d’exception ! » tonna Tamalice en poussant de ses bras largement écartés les deux panneaux de la porte d’entrée. Le silence se fit dans la salle tandis que tout le monde se tournait vers les six nouveaux arrivants, et la fille qui beuglait en particulier. On entendit un criquet bruiter alors que les occupants et les serveuses fixaient intensément leur groupe, immobiles.

    « Forcément, il fallait qu’on se fasse remarquer. Ce n’aurait pas été plus facile autrement, hein ? » grinça le croquemitaine, irrité par toute cette attention, le seul du cortège à part Mélo à ne pas s’être ratatiné sous la puissance des regards. Le criquet bruissa une seconde fois. Ils se dirigèrent lentement vers le comptoir derrière la fille chat, une quarantaine de pairs d’yeux réprobateurs les suivant. Elle arriva au bar et patienta le temps que la matrone cesse de les dévisager et leur demande ce qu’ils voulaient, les conversations reprenant lentement.

    « Mes compagnons et moi-même sommes à la recherche d’un endroit où dormir ce soir, expliqua posément le petit fauve, nullement gênée pour un sou. Il vous reste de la place ?

    -Bien entendu, nous avons encore plusieurs chambres disponibles. Combien en voulez-vous ? »

    Tous se toisèrent, comprenant l’enjeu de la question. En un instant ce fut une cacophonie d’exigences qui éclata aux oreilles de la tenancière :

    « Une chambre très loin de Frost ! Je n’ai pas besoin de plus !

    - Un lit double pour Pitch et moi, un lit double pour Mayu et le prépubère, la vacharde dort dehors et ce sera parfait !

    - Heu, les gens…

    - Un lit trois places pour Moi et ces deux fringants hommes ; peu importe les deux souillons, elles peuvent dormir dans les écuries, c’est leur place après tout.

    - Ca va pas, hors de question que je dorme avec ce type ? C’est un dégénéré, un criminel !

    - Heu, dites…

    - Pour qui tu te prends, Frost ? Tu te crois meilleur avec tes prétendus principes ?

    - Ca va, on ne te dérange pas, petite pétasse ? Pendant que t’y es, impose la polygamie et épouse-les !

    - Hého…

    - Moi, au moins, je n’ai pas failli plonger le monde dans la peur et les ténèbres !

    - A bien y réfléchir, oui, vous m’emmerdez. Et…

    - VOUS ALLEZ LA FERMER, OUI ?!? »

    Ce fut le silence une nouvelle fois dans l’auberge lorsque tout le monde fixa Mayumi, médusés, alors qu’elle-même s’étonnait de sa soudaine audace. Mélo la contempla aussi quelques secondes, les yeux ronds, avant de reprendre sa conversation avec la patronne.

     Elle en profita pour détailler l’endroit où ils se trouvaient. C’était un large hall au sol pavé, les murs ornés de boiseries, éclairé par la spacieuse cheminée dans laquelle crépitaient plusieurs bûches. Les serveuses aux grandes jupes bariolées slalomaient entre les tables où discutaient tranquillement ce qui semblait être principalement des commerçants et des voyageurs, hommes, femmes et enfants. Seuls quelques éclats de rires venaient ponctuer l’atmosphère chaleureuse et tranquille.

    « Une chambre, ce sera parfait. »

    Son attention revient vers la fille-chat, tout comme celle des quatre autres.

    « Heu, attendez, comment ça, une chambre ? » Intervint Tamalice, déconcertée. Elle reprit quasi-immédiatement : «  Je veux dire, on ne va pas tous tenir dans une chambre… » Tous hochèrent de la tête avec application, et May s’apprêtait à dire quelque chose lorsque Mélo leur répondit, la bouche en cœur :

    « Je vous avais dit UNE chambre. »

    Ils ne réagirent pas.

    « Je n’ai pas assez d’argent. »

    Ils ne réagirent pas.

    « Vous vous y accommoderez. »

    Ils ne réagirent pas.

    « C’est assez grand pour nous six. »

    Ils ne réagirent pas.

    « De toute manière, c’est comme ça et pas autrement. » Conclua-t’elle, la bouche toujours en cœur.

    Quelques secondes passèrent, et un tirage de tronches à faire peur général vint animer leurs visages alors qu’ils comprenaient ce que faire dormir deux ennemis mortels et trois filles qui se faisaient une guerre de principes farouche dans la même chambre, dans le même lit, impliquait.

    « C’est-comme-ça-et-c’est-pas-aut-re-ment… » Chantonna Mélo, un sourire qui se foutait ouvertement d’eux à la figure, jubilant presque.

    « Je suis sûre que c’est pour se venger de l’herbe à chat » répéta Mary-Sue dans un grincement alors qu’ils montaient les escaliers pour aller dans leur chambre.

    ***

    Mélo, digne héritière de Mary Poppins, avait sorti de sa besace un sac de couchage, un matelas, des draps et plusieurs oreillers, et s’était assoupie au pied du lit où régnait le désordre le plus total dans un vacarme phénoménal.

    Les deux Légendes, les deux étudiantes et la sublimissime fille parfaite étaient proprement en train de se foutre sur la gueule pour la défense de leurs intérêt dans le pieu à la superficie limitée.

    « Si jamais tu me touches, vociféra Jack, une lueur de haine dans les yeux, je te dézingue !

    -Tama, tu me pique mon bout de couette là, se plaignit Mayu en agrippant le peu de tissu qu’il lui restait, et je ne veux pas avoir les pieds qui dépassent ! Et ne me demandez pas de partager mon oreiller !

    - Alors je vais dormir avec le grand Jack Frost, c’est ça ?! Que ce soit clair, espèce de demi-portion, je te tuerais si tu t’approche de moi, menaça le Croquemitaine, dévoré des yeux par Tamalice, qui quelques minutes plus tôt s’était mise en position étoile de mer et avait agité les bras et les jambes comme lorsque l’on trace un ange dans la neige afin de s’assurer autant d’espace qu’elle voulait. Elle intervint à son tour :

    - On n’aura pas assez de place pour tout le monde, il faudrait que certaines personnes acceptent de dormir par terre ; et désolée Mayu, c’est pas facile là…

    Quelques poings volaient malencontreusement par-ci par-là, heurtant des nez, des épaules, provoquant des grognements de la part des victimes et faisant monter d’un cran le mécontentement général.

    - Dormir par terre, moi ? Tu es folle, tu devrais même être la première, avec l’autre crétine des Alpes, à me céder la place, croassa May, qui essayait de se coller le plus possible à l’un et l’autre des deux hommes. Je suis une princesse ; une princesse, que dis-je ? Je suis une reine, une impératrice ! Et j’exige recevoir les honneurs qui me sont dus !

    - Le seul honneur que t’auras, c’est celui de mon pied quand il viendra botter ton cul ! Ton cul, tu sais, le monument que tout le monde fait la queue pour visiter, riposta Tamalice.

    - C’est toi qui dis ça, sale gueuse ?! Le tien, il est tellement large que tu ne pourrais même pas te placer entre Jack et Pitch, hurla-t‘elle en désignant les deux mètres qui séparaient les Légendes. L’elfe se leva, furibonde, alors que l’autre se mit à reculer à toute vitesse sur le lit devant son air furieux. Elle choppa la brune au collet et lui colla un coup de boule magistral, avant d’ouvrir la fenêtre et de l’y jeter.

    N’en resta plus que quatre.

    «  Tama, tu me mets tes pieds froids dans le dos, j’ai horreur de ça ! Geignit Mayu en se tortillant, avant d’enlacer avec un gazouillis content l’esprit du froid, qui beugla qu’il en avait marre de ses étreintes poulpesque et alla s’installer de l’autre côté du lit. De l’autre côté du lit. Là où s’était installé Black pour l’éviter soigneusement. Le croquemitaine tourna lentement la tête vers lui.

    Les badauds qui passèrent devant l’auberge ce soir-là virent un jeune homme aux cheveux blancs comme neige être catapulté par une des fenêtres de l’établissement. Certains reconnurent un des zouaves qui avaient semés la pagaille dans le centre-ville.

    N’en resta plus que trois.

    Mayumi, qui ne se voyait pas passer la nuit sans son précieux Jack, sauta à sa suite par le vasistas, lui déclamant son amour.

    N’en resta plus que deux.

    Tamalice, le terrain enfin libre, sentit la chaleur monter jusqu’à ses joues, et elle se rapprocha de Pitch, sûre de son succès, et lui offrit son sourire le plus enjôleur.

    Une quatrième personne, une elfe aux cheveux roses cette fois-ci, traversa l’embrasure largement ouverte et s’écrasa sans grâce sur le pavé, tout comme ses quatre compagnons d’infortune avant elle.

    N’en resta plus qu’un.

    Pitch s’étala de tout son saoul sur les draps, roi du monde. Pour cette nuit.

    Au pied du lit, Mélo dormait depuis longtemps.

    Bonus : Il sentit un poids soudain sur la couche. A l’idée des quatre autres revenus prendre leur place, il ouvrit les yeux. Dans la semi-obscurité, il discerna un sourire aux canines étonnement longues. 

    « Donne l’herbe à chat. »

     


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  • Notre bande de cinglés continuait sa route après avoir méchamment ignorée May qui se prenait une fois de plus pour le centre de l’attention. Nous tentions tous d’avancer à travers cette eau avec difficulté. Le paysage ne changeait pas, qu’importent les kilomètres que nous faisions. Toujours ces falaises abruptes à droite et à gauche, quelques arbres aux sommets, montrant que la forêt était toujours là haut, et cette rivière qui n’en finissait pas. Marchant comme des cosmonautes, nous râlions à tour de rôle de cette ascension qui durait trop longtemps à notre goût :

    « -Je commence à être glacé jusqu’aux os… se plaignait Jack.

    -Comment peux-tu avoir froid, toi, le cul gelé ! Renchéri le croquemitaine qui essayait de cacher ses claquements de dents insécables.

    -J’ai une crampe à l’orteil ! Hurlais-je à qui mieux mieux en me tordant de douleur.

    (L’elfe me rattrapa de justesse et me soutint.)

    -Arrête de gigoter, c’est déjà assez dur de marcher dans cette mélasse !

    -Nya ahahah~ Roucoulait Mélo en nageant, aux anges.

    -J’ordonne qu’on me porte, moi, princesse légitime de ces lieux et déesse de cette île, beauté fatale qui rendrait jalouse toutes les sirènes du coin, j’exige qu’on me mette au sec ! Hurla Mary Sue, hystérique, les vêtements, collés contre le corps, semblables à des loques et son beau chignon réduit à une pauvre imitation de serpillière sur sa tête.

    -Garde ton énergie pour te débattre lorsque j’aurais lâché Mayumi et que j’essayerai de te noyer pour que tu te taises ! »

    Intriguée par un bruit à peine audible, je m’extirpais de la poigne de Tamalice, ignorant la douleur qui me mangeait l’orteil. Tandis que l’elfe se jetait sur l’hystérique de derrière qui continuait son cinéma, que Pitch se refaisait un brushing tout en maintenant sa mâchoire qui prenait son indépendance avec ce froid, que Jack se tenait les côtes, glacé, et que Mélo barbotait en soupirant de plaisir, je tendais mon oreille pour essayer d’identifier ce bruit.

    « - Eh, les gars, vous n’entendez pas ? C’est le son d’une trombe d’eau ! »

    Ignorée par la populace, je continuais d’écouter, amusée par ce bruit qui faisait frémir mes oreilles, ce bruit qui me rappelait celui de la chasse d’eau de chez moi. Puis soudainement, je vis Pitch et Jack s’enfoncer brutalement dans l’eau, suivit par moi et les deux à l’arrière qui coulèrent avec leurs cris. Agitant instinctivement mes petits bras pour remonter à la surface, je hurlais, terrorisée.

    « -Au secours ! »

    Entendant ce cri à l’aide, Jack accouru tel un Dieu marin et m’attrapa.

    « -Ne t’inquiète pas, je suis là, tu ne te noieras pas !

    -Mais elle sait nager ! Ne pu s’empêcher de répliquer May, folle de jalousie, qui s’était extirpé des bras assassins de Tamalice grâce à cette brusque disparition du lit de la rivière.

    (Il me fixa alors que je me frottais le visage contre son torse, moi, la fille la plus heureuse du monde)

    -Mais pourquoi tu hurles si tu sais nager ?! »

    Des larmes pleins les yeux, je lui répliqua :

    « -Parce que j’ai peur du fond…

    -Ridicule petite chose, marmonna Pitch entre ses dents en entendant ma réponse. »

    Jack soupira, mais me garda quand même contre lui. Après tout, lui aussi n’était pas rassuré dans des eaux gelées et sans fond après se qui lui était arrivé des années auparavant dans un petit lac en hiver.

    « -Il y a du courant, remarqua May en voyant la jeune animale passer devant elle en flottant sans faire aucun effort.

    -Belle déduction, renchérit le croquemitaine, énervé de devoir barboter pathétiquement dans ces eaux sales.

    -Hey, regardez, on peut voir la ville en face ! S’émerveilla Tama. Que c’est beau ! Regardez ces structures fantastiques. »

    Les falaises s’arrêtaient brutalement, nous laissant ainsi la possibilité de voir ce qui se trouvait face à nous. En contrebas trônait une gigantesque ville délimitée par une façade imposante. Ses seules issues étaient la grande porte qui laissait passer une certaine mouvance qu’on pouvait qualifier de marchands et une plage qui sciait la rivière dans laquelle nous étions. Dans les airs volaient une centaine de volatiles écailleux qui ressemblaient forts à des dragons chevauchés par des personnes. Au centre de cette cité se trouvait une grande place marchande limitée par un magistral château.

    « - Ca va, c’est digne d’accepter une grandeur comme moi, affirma Mary Sue en ricanant. »

    Alors que tous restaient ébahis face à la beauté du paysage qui accueillait ce lieu illuminé aux milles couleurs, pleine de vie, et aux bâtisses fantaisistes, moi, toujours dans les bras de mon âme sœur, le sourire aux lèvres, radieuse, je leur rappelais l’essentiel sans me rendre vraiment compte sur le moment de la gravité de mes propos.

    « -Ah ! Si on voit le paysage, c’est que la chute n’est plus très loin !

    -Ouais, montagnes russes, nyahaha ! Gloussa Mélo en se préparant à la dégringolade les bras en l’air.

    - (ils se tournèrent tous dans ma direction à l’exception de l’animale et glapirent en coeur) Quelle chute ?!

    -Celle en face, souriais-je en m’accrochant d’avantage à la taille de Jack et en enfonçant mon visage dans son sweat pour mieux m’imprégner de son odeur.

    -Je suis trop jeune pour mourir !

    -Et moi trop belle !

    -Comme dans mes cauchemars, ça risque d’être instructif et grisant, s’amusa Pitch.

    -Givre stupide eau, givre toi ! Rugit Jack en envoyant des petits souffles pitoyables de neige de sa main valide, paniqué. »

    Le courant nous entraînait, malgré nos brasses effrénées, vers la chute. Il devenait de plus en plus fort, comme les cris de notre bande qui essayait de résister. Nos tentatives d’échapper aux rapides étaient vaines, nous sombrions dans ces eaux chacun notre tour, remontant, dégringolant, nous cognant aux rochers, buvant la tasse. Pitch, qui essayait de se sortir de ces tumultes en grimpant sur un rocher, glissa involontairement avant de replonger une énième fois dans ces eaux en jurant, Jack qui tentait de se dégager de moi qui restait agrippée farouchement à sa taille, Tamalice et May qui continuaient de se foutre des claques bien que la situation fut critique, et Mélo, seule personne enchantée de cette mésaventure qui nous coûterait certainement la vie, la tête en avant, hurlait de rire en slalomant entre les rochers, comme sur un toboggan. Finalement, les rapides nous entraînèrent dans une dégringolade magistrale de plusieurs mètres. Nous volions tous quelques secondes, pouvant ainsi entendre Mélo s’esclaffer «Je suis une mésange, je voooOOOoole ! », avant d’atterrir violemment contre l’eau aussi dure que du bitume. Le choc fut trop important, plus personne ne dit mot et ne bougea. Nous sombrions ensemble dans les ténèbres des eaux profondes.

     

    « -Câline… Arrête de me chatouiller le nez… Balbutia Tamalice en agitant lentement sa main devant son visage. »

    Sa main rencontra soudainement un pelage rêche qui bougeait au même rythme qu’une respiration. Cette chose couinait à chaque souffle. Elle ouvrit brutalement les yeux et vit un champs de cheveux noirs. Persuadé qu’elle était attaquée, elle hurla en se redressant vivement, réveillant ses compagnons autour d’elle.

    « Un rat ! (elle regarda plus intensément) Ah, non, c’est juste les cheveux de Pitch.

    Et elle se recoucha contre lui en gloussant et en frottant ses mains dans ces cheveux ébène. Mary Sue, qui avait entendu le mot « rat » devint hystérique. Elle se releva et sauta dans tout les sens, le bras en l’air.

    « ?!!!! Il est ou ?! Éloignez cette bête, tuez la, TUEZ LA !!!!!!!! »

    Pitch se redressa à son tour, laissant Tamalice admirer les deux cheveux qu’elle avait prit au passage et observa d’un regard fatigué l’endroit où il se trouvait. Il faisait sombre, des yeux rouges fixaient dans l’ombre leur bande bruyante et l’odeur était affreuse. Ils avaient tous atterrit sur le bord d’un canal d’égout qui continuait de se déverser bien plus loin. Heureusement pour eux, ils étaient hors de porté de cette substance noirâtre qui coulait jusqu’au bout du tunnel, mais Pitch imaginait bien qu’ils avaient du se baigner dedans avant d’arriver ici. Il pu voir de plus que ce tunnel était munit d’un trottoir qui n’en finissait pas de longer les parois en arc.

    Avant de pouvoir réfléchir sur un moyen de partir d’ici, il fut interrompu par le bruit qu’il faisait en respirant. Il toucha du bout des doigts son nez et rentra en contact avec un objet non identifié. Il tira dessus, appuya dessus avant de se le claquer fortement contre la narine et de la coincer encore plus. Jurant comme un oiseau, il s’excita sur cette chose qui avait élu domicile dans son beau nez grec.

    Pendant ce temps, Jack se réveillait doucement bien que la harpie beuglait toujours derrière. Il se sentait écrasé. Ne pouvant pas bouger, il pu seulement redresser sa nuque pour voir ce qui l’emprisonnait de la sorte. Ce qu’il vit lui fit froid dans le dos. Je dormais toujours, enlacée comme un poulpe autour de lui, le bloquant de tout mouvement. Il tenta de se sortir de mon emprise, mais en vain. Il se releva donc maladroitement avec toujours moi l’enlaçant d’une force incroyable.

    « - Euh…Quelqu’un n’aurait pas un pied de biche ou du savon, pour pouvoir la décoller s’il vous plait ?

    -Quequ’un pouait we ire chqui chpasse aec won nez ? Essaya d’articuler le croquemitaine, une pince à linge rouillée accrochée à sa narine droite.

    -Pourquoi tu as une pince à linge dans le nez, toi ? Demanda Jack en relevant un sourcil, intrigué.

    -Un wot de pluche, et je te déssinque, OK ?! »

    Il se contenta de se marrer de la situation de Pitch avant de recevoir un croche pied de celui-ci en guise de représailles. Il perdit l’équilibre et fini sa course dans l’eau croupie. L’effet de la douche froide me fit tout de suite mouche, je me réveillais en piaillant et me secouant, de la boue plein dans la bouche et sur moi. Quant à Jack, il se releva après s’être essuyé son visage boueux d’un revers de manche, fusillant du regard Pitch même s’il était satisfait d’être libéré.

    « -Punaise, c’est quoi cette odeur et ce goût ?! Me plaignais-je en me nettoyant toujours la bouche.

    -Je crois qu’on est dans des égouts, m’informa Tamalice en époussetant sa tenue.

    -Ahahah, t’as mangé de la merde ! Ça ne m’étonne pas de toi, Ricana May après avoir remis en place ses cheveux et repris son calme en ne voyant aucun rat à l’horizon.

    -Il fait vachement noir, remarqua Jack.

    -Ravo, aruti ! On l’avait pas rmarqué !

    -Aaahhh !!! J’ai marché dans du caca ! Beugla la princesse en secouant vivement ses talons. Mes belles chaussures !

    -Taisez-vous ! J’entends quelque chose ! Grinça Tamalice. »

    Plus personne ne dit mot. Elle avait raison, des pas se rapprochaient ainsi que de la lumière. Une immense ombre menaçante apparue le long du mur, nous faisant reculer. Puis, un sifflotement joyeux, l’ombre rapetissait jusqu’à devenir similaire à celle d’un petit animal. La bête apparue.

    « -Ben les amis, qu’est ce que vous faites tous terrés ici sans un bruit? Je m’attendais à ce que vous veniez me rejoindre plus loin ! »

    Mélo. Un soupir de soulagement général se fit entendre (excepté celui de Pitch qui s’en fichait royalement et qui se battait toujours contre sa pince à linge.). Elle se rapprocha, un sourire félin jusqu’aux oreilles et une lampe à huile entre les mains.

    « -Ou as-tu eu ça ? Demandais-je.

    -Dans mon sac, heureusement que je ne l’ai pas lâché pendant notre descente jusqu’ici ! J’ai tout ce qui peut être utile là dedans ! (Elle commença à sortir des choses qui en temps normal ne pourrait même pas tenir dans son sac bien qu’il fut pourtant grand.) J’aaaaiiii une tente, une bouilloire, une couette, des serviettes, des vêtements de rechange, des…

    -Oui, bon, c’est bon, on a compris ! Mais pourquoi tu te balades avec toute ta maison sur ton dos ?! S’impatienta Tamalice.

    -Je suis partie depuis quelques mois à la recherche de la Grande Croquette ! »

    Interloqués, nous la fixions (même Pitch) en se demandant si elle n’était pas plus cinglée que d’habitude.

    « -Ouais, c’est ça, pourquoi pas l’Herbe à Chat Mystique tant qu’on y est ? Se moqua May.

    -Mais je l’ai déjà trouvé ! Je revenais à la capitale pour montrer ma trouvaille lorsque j’ai été attaquée par cette bête féroce dans la forêt ! Regardez ! »

    Elle nous tendit un sachet tout droit sortit de son sac à dos, je le pris entre mes mains et défit les ficelles qui le nouaient. A l’intérieur se trouvait une herbe à chat totalement ordinaire si on omettait le fait qu’elle brillait d’une sainte lumière. Cette herbe à chat fit frémir Mélo, ses yeux s’illuminèrent, elle tendit ses petites pattes félines pour en prendre une brindille et la frotta vigoureusement contre son visage.  Puis brusquement elle se redressa, ses pupilles étaient dilatées, ses moustaches vibraient et elle se mit à sauter partout, en commençant par le plafond. A quatre pattes et excitée comme jamais, elle grimpait aux murs, s’agrippant fortement grâce à ses griffes en poussant des miaulements fous. Et contre toutes attentes, elle se mit à gesticuler devant nous.

    « -Elle a pété un plomb, tous aux abris ! Criais-je en gardant le sachet entre mes mains et en reculant brutalement, prête à m’enfuir. »

    Elle sauta avec un regard dément et des cris stridents vers May avant de se lâcher sur elle.

    « -Putain, elle m’a vomi sur les godasses ! S’époumona Mary Sue qui ne comprenait pas pourquoi on s’en prenait autant à ses belles chaussures. »

    Puis elle prit son élan, après avoir gentiment vomi ses boules de poils sur les belles chaussures pailletés, pour sauter, les quatre pattes tendues vers sa cible, sur la tête de l’elfe qui ne s’y attendait absolument pas.

    « -Faites la descendre de ma tête, FAITES LA DESCENDRE DE MA TÊTE !!! Hurla Tamalice en essayant d’arracher la furie qui s’accrochait avec ardeur de ses griffes à sa coiffure. »

    Finalement, elle tourna la tête dans ma direction. Elle avait repéré le sachet que je tenais. Sans réfléchir, je partis en courant en oubliant de lâcher cette gousse. Elle bondit dans ma direction et galopa à quatre pattes derrière moi. A mes trousses se trouvait donc Mélo, bourrée à l’herbe à chat, et derrière toute la bande qui tentait de suivre la cadence effrénée qu’on avait entreprise. Habituellement, j’aurais été rattrapée à une vitesse incroyable, mais la peur de cette bête sauvage devait me faire pousser des ailes car je cavalais comme jamais je n’avais cavalé de ma vie.

    Irrémédiablement, je trébuchai à une intersection, ayant mal anticipé mon virage. Je m’écroulais de tout mon long sur le sol sale, écrasant le sachet sous mon ventre involontairement. Mélo se jeta sur moi comme une furie et entreprit de faire le tri dans mes cheveux à coup de griffes. Je hurlais à chaque coup de pattes. Puis tous nous rattrapèrent et Jack et Tamalice sautèrent sur la bête, qui s’en prenait désormais à mes bras en les grignotant sans remords, pour tenter de l’immobiliser. Ayant un moment de répits, je pus m’extirper de la poigne de la furie soue. Alors que je me relevais avec difficulté, je vis une échelle au dessus de nous et une bouche d’égout qui ne demandait qu’à être déplacée : Une sortie en somme. Faisant signe à Pitch et Mary Sue pour qu’ils me fassent la courte échelle, étant trop petite pour atteindre les barreaux, le croquemitaine fut le seul à bouger tandis que les deux autres continuaient leur combat à terre dans des cris déchaînés. Il me fit sauter et j’attrapais cette maudite échelle. Mais Mélo avait réussi à s’arracher de la poigne de mes deux sauveurs et bondit sur mon dos. Toujours accrochée, je montais quand bien même la féline lacérait mon t-shirt. Derrière était suspendue Tamalice et Jack, qui ne lâchaient pas la queue de Mélo, Pitch qui grimpait en poussant le givré et Mary Sue qui s’accrochait au manteau de Pitch. Arrivée à hauteur de la bouche d’égout, je la soulevais et m’élançais de mes dernières forces à l’extérieur.

     

    Selon le point de vue des gens de l’extérieur qui se trouvaient sur la place à ce moment là, ils virent une jeune blonde, les cheveux foncés par l’eau croupie et en bataille, les vêtements déchirés, attaquée par une bête au regard fou qui lui arrachait tout ce qu’elle pouvait avec ses griffes, apparaître d’une bouche d’égout en volant, un sachet brillant dans sa main tendue vers le ciel. Apparues dans la foulée une elfe aux cheveux roses griffée au visage, sauvagement accrochée à la queue de l’animal ainsi qu’un jeune albinos, tout aussi violenté, suspendu de la même façon que l’elfe. Un homme au nez de mégalithe de l’île de Pâques et à la coiffure de cacatoès les accompagnait dans leur ascension volante, une pince à linge dans le nez et une expression de haine profonde au visage, suivit d’une fille de toute beauté à l’expression déformée par le coup de coude qu’elle recevait par l’homme à la peau grise. Ces personnages délirants apparaissant de nulle part étaient escortés d’une puanteur à faire pleurer un poisson. Si les appareils photos avaient existé dans ce monde, ces jeunes gens auraient fait la une des journaux pendant longtemps… Mais cela n’empêchait pas qu’ils feraient la risée de toute la ville à présent.


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