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La conscience tranquille...
Ploc, ploc, ploc.
1, 2, 3…
La pluie gouttait le long de mon parapluie et tombait devant moi, un jeune homme d’une vingtaine d’année qui détestait le mauvais temps et qui n’arrive pas à dresser ses cheveux bruns (sans parler du fait qu’avec l’humidité…C’était mission impossible). Je comptais ces gouttes. Un cycle que je ne pouvais arrêter, juste observer, subir. Une de ces gouttes glissa méchamment dans mon col, ce qui me fit réprimer un grognement mécontent et un frisson, rentrant ainsi ma tête dans mes épaules, comme si ça allait arranger quelque chose. Un temps pluvieux, un vent glacial digne d’une fin de novembre, bref, cette journée m’agaçait déjà.
Sur la rue principale de cette ville, je partais en direction du centre commercial à la rencontre de mes amis qui m’attendaient là bas. Et tout en me dirigeant vers le point de rendez-vous, je comptais les gouttes. Ce jour là, il y avait du monde, les gens se bousculaient, souvent sans s’excuser. Certains étaient pressés, d’autres faisaient tout simplement du lèche vitrine, et moi, j’analysais tantôt leurs comportements, évitant entre deux réflexions un passant quelque peu brutal qui force le passage. La ville était en constante animation, lorsque les gens n’étaient plus cette animation, la pluie prenait le relai, et ainsi je comptais les gouttes en ignorant ces personnes qui n’avaient plus aucun intérêt pour moi. C’est ainsi que j’avais commencé à fixer cette pluie qui perlaient le long du squelette métallique de mon parapluie.
Ploc, ploc, ploc. loc3g
35, 36, 37… ?
Une agitation à quelques mètres éveilla ma curiosité. Je relevais la tête de mon écharpe et laissais mon regard trouver d’où venait ce bruit. Les principaux responsables de ce brouhaha avaient créés une sorte de bulle protectrice dans la foule. Enfin, disons plutôt que les gens les évitaient et leur avaient réservé un espace d’un mètre de peur de recevoir un coup qui risquait de ne pas tarder à fuser. Du coin de l’œil, j’essayais de comprendre ce qu’il se passait. Une mère et sa petite fille de 10 ans se disputaient pour je ne sais quelle raison. L’adulte, un regard fatigué, quelques rides, les lèvres pincées et une silhouette mince et quelque peu courbée et sa fille, les yeux qui lançaient des éclairs, un zozotement qui pourrait être adorable s’il n’était pas employé pour cracher des réprimandes, haute comme trois pommes, des cheveux blonds comme l’orge, les deux ne s’étaient apparemment pas tout dit et la petite n’hésitait pas à rattraper ce retard dans la rue. Cette gamine, rouge comme une écrevisse, ne mâchait pas ses mots et alors que je voyais très bien en regardant la lèvre pincée de la femme face à elle qu’elle avait honte, l’enfant reçu sans pitié une soufflée. Elle se tint la joue, fixa la coupable avec un regard interloqué et s’enfuit à travers la foule. La mère ne réalisa que trop tard sa conduite un peu trop excessive et la disparition de sa fille. Elle avait beau l’appeler, paniquer, sangloter, elle ne revenait pas, comme engloutie dans les profondeurs de cette mer d’humains. Elle arrêtait certaines personnes en leur demandant si elles n’avaient pas vu la petite, s’impatientait, stressait, mais c’était avant de me voir regarder dans sa direction. Elle savait que j’avais vu à l’instant même où nos regards c’étaient croisés. Instinctivement, je baissais les yeux et repris mon chemin d’un pas rigoureux. Je n’étais qu’un spectateur parmi tant d’autres, je ne connaissais pas l’histoire et n’allais certainement pas rentrer dans cette affaire pour me sentir coupable ensuite. En quelques enjambées, je l’avais déjà semé. Devant moi, désormais, le centre commercial.
Quel bonheur, me direz vous, que de devoir aller chercher à l’étage supérieur du centre commercial les cafés de mes amis suite au tirage malencontreux de la paille la plus courte. Je n’avais jamais vraiment eu de chance aux jeux de hasard, alors lorsqu’on tirait au sort pour savoir qui paierait la tournée de tout le monde, forcément, ça devait tomber sur moi. Je soupirais. Avec ce temps, comment ma bonne étoile pouvait-elle ne serait-ce que montrer le bout de son nez ? Impossible. Tout en marmonnant comme un petit vieux, je me laissais guider par l’escalator, jetant un regard noir à une stupide amie qui se moquait encore de moi en bas. Arrivé en haut, je me dirigeais vers l’enseigne du café tout en sortant mon porte monnaie. Au loin, j’eu le sentiment de reconnaitre une voix. Je regardai du coin de l’œil, curieux de savoir si c’était une connaissance autre que les bruyants guignolots à l’étage du dessous. Ce n’était pas un ami, c’était la femme de ce matin. Toujours en panique, elle implorait une femme d’avoir vu son enfant. Alors elle ne l’avait pas encore retrouvé ? J’eu un serrement au cœur. Pauvre petite, j’espère qu’elle va bien… Je secouais la tête. Ce n’était pas de ma faute, pourquoi devrais-je me sentir coupable dans ce cas ? Arrivé dans le café, je pris les commandes et commençais à rebrousser chemin lorsqu’on me heurta. Je perdis un quart de seconde l’équilibre, assez pour me renverser un capuccino sur mon manteau marron pale. Je râlais contre la tâche lorsqu’une poigne tremblante mais forte serra mon bras.
« -Je vous ai vu ce matin dans la rue principale, vous nous avez observé ma fille et moi, n’est ce pas ? Avez-vous revu ma fille ? Vous avez certainement dû la croiser ! »
Je fixais avec intervalle régulier le visage de la femme, rongé par le remord et la peur, ma tâche et les gens qui commençaient à nous regarder. Je mordillais ma lèvre inferieure. Et voilà, je m’étais encore mêlé de quelque chose qui ne me regardait pas et j’en payais les frais…
« - écoutez, je ne l’ai pas revu… (J’étais effrayé de sa réaction quelque peu insistante.)
- Certainement que si, vous êtes en ville depuis un moment! Vous l’avez vu, hein ?! Où est-elle, ma petite fille, ma chérie ! »
Des murmures commençaient à se faire entendre à travers le magasin et j’entendais mes amis arriver devant le café, inquiets de ne pas me voir revenir.
« - Puisque je vous dis que je ne l’ai pas revu…S’il vous plaît, j’ai des choses à faire …
- Rendez-moi ma chérie ! Rendez-moi ma fille ! »
Elle éclata en sanglot. Ses ongles me griffaient à travers mon manteau, elle ne lâchait pas mon bras. Les employés du lieu se précipitèrent vers la femme et la décrochèrent de mon bras. Tout en douceur, ils lui parlèrent, lui demandant ce qu’elle avait, puis un homme s’approcha de moi et s’excusa de l’attitude qu’avait eue cette femme face à un client (moi). Ainsi, ils m’offrirent une boisson gratuite pour ma prochaine venue et me laissèrent partir avec ma tâche et mon visage déconfit. A l’entrée, un ami me débarrassa de mes achats avant de les distribuer, puis une copine s’agrippa à mon bras. Tout en posant ces lèvres sur la tasse, elle me regarda du coin de l’œil et répliqua :
« -Qu’est ce qu’elle voulait cette femme ? Elle est complètement chtarbée ! »
Encore perturbé de ce qu’il venait de m’arriver, je répondis vaguement :
« - Chtarbée… Ouais… »
Et vous, réfléchissez, ne pensez-vous pas qu’il faudrait arrêter de jouer les aveugles ?
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Commentaires
Oh, c'est bien comme histoire *3