• Chapitre 6 [Par Mayumi]

    Notre bande de cinglés continuait sa route après avoir méchamment ignorée May qui se prenait une fois de plus pour le centre de l’attention. Nous tentions tous d’avancer à travers cette eau avec difficulté. Le paysage ne changeait pas, qu’importent les kilomètres que nous faisions. Toujours ces falaises abruptes à droite et à gauche, quelques arbres aux sommets, montrant que la forêt était toujours là haut, et cette rivière qui n’en finissait pas. Marchant comme des cosmonautes, nous râlions à tour de rôle de cette ascension qui durait trop longtemps à notre goût :

    « -Je commence à être glacé jusqu’aux os… se plaignait Jack.

    -Comment peux-tu avoir froid, toi, le cul gelé ! Renchéri le croquemitaine qui essayait de cacher ses claquements de dents insécables.

    -J’ai une crampe à l’orteil ! Hurlais-je à qui mieux mieux en me tordant de douleur.

    (L’elfe me rattrapa de justesse et me soutint.)

    -Arrête de gigoter, c’est déjà assez dur de marcher dans cette mélasse !

    -Nya ahahah~ Roucoulait Mélo en nageant, aux anges.

    -J’ordonne qu’on me porte, moi, princesse légitime de ces lieux et déesse de cette île, beauté fatale qui rendrait jalouse toutes les sirènes du coin, j’exige qu’on me mette au sec ! Hurla Mary Sue, hystérique, les vêtements, collés contre le corps, semblables à des loques et son beau chignon réduit à une pauvre imitation de serpillière sur sa tête.

    -Garde ton énergie pour te débattre lorsque j’aurais lâché Mayumi et que j’essayerai de te noyer pour que tu te taises ! »

    Intriguée par un bruit à peine audible, je m’extirpais de la poigne de Tamalice, ignorant la douleur qui me mangeait l’orteil. Tandis que l’elfe se jetait sur l’hystérique de derrière qui continuait son cinéma, que Pitch se refaisait un brushing tout en maintenant sa mâchoire qui prenait son indépendance avec ce froid, que Jack se tenait les côtes, glacé, et que Mélo barbotait en soupirant de plaisir, je tendais mon oreille pour essayer d’identifier ce bruit.

    « - Eh, les gars, vous n’entendez pas ? C’est le son d’une trombe d’eau ! »

    Ignorée par la populace, je continuais d’écouter, amusée par ce bruit qui faisait frémir mes oreilles, ce bruit qui me rappelait celui de la chasse d’eau de chez moi. Puis soudainement, je vis Pitch et Jack s’enfoncer brutalement dans l’eau, suivit par moi et les deux à l’arrière qui coulèrent avec leurs cris. Agitant instinctivement mes petits bras pour remonter à la surface, je hurlais, terrorisée.

    « -Au secours ! »

    Entendant ce cri à l’aide, Jack accouru tel un Dieu marin et m’attrapa.

    « -Ne t’inquiète pas, je suis là, tu ne te noieras pas !

    -Mais elle sait nager ! Ne pu s’empêcher de répliquer May, folle de jalousie, qui s’était extirpé des bras assassins de Tamalice grâce à cette brusque disparition du lit de la rivière.

    (Il me fixa alors que je me frottais le visage contre son torse, moi, la fille la plus heureuse du monde)

    -Mais pourquoi tu hurles si tu sais nager ?! »

    Des larmes pleins les yeux, je lui répliqua :

    « -Parce que j’ai peur du fond…

    -Ridicule petite chose, marmonna Pitch entre ses dents en entendant ma réponse. »

    Jack soupira, mais me garda quand même contre lui. Après tout, lui aussi n’était pas rassuré dans des eaux gelées et sans fond après se qui lui était arrivé des années auparavant dans un petit lac en hiver.

    « -Il y a du courant, remarqua May en voyant la jeune animale passer devant elle en flottant sans faire aucun effort.

    -Belle déduction, renchérit le croquemitaine, énervé de devoir barboter pathétiquement dans ces eaux sales.

    -Hey, regardez, on peut voir la ville en face ! S’émerveilla Tama. Que c’est beau ! Regardez ces structures fantastiques. »

    Les falaises s’arrêtaient brutalement, nous laissant ainsi la possibilité de voir ce qui se trouvait face à nous. En contrebas trônait une gigantesque ville délimitée par une façade imposante. Ses seules issues étaient la grande porte qui laissait passer une certaine mouvance qu’on pouvait qualifier de marchands et une plage qui sciait la rivière dans laquelle nous étions. Dans les airs volaient une centaine de volatiles écailleux qui ressemblaient forts à des dragons chevauchés par des personnes. Au centre de cette cité se trouvait une grande place marchande limitée par un magistral château.

    « - Ca va, c’est digne d’accepter une grandeur comme moi, affirma Mary Sue en ricanant. »

    Alors que tous restaient ébahis face à la beauté du paysage qui accueillait ce lieu illuminé aux milles couleurs, pleine de vie, et aux bâtisses fantaisistes, moi, toujours dans les bras de mon âme sœur, le sourire aux lèvres, radieuse, je leur rappelais l’essentiel sans me rendre vraiment compte sur le moment de la gravité de mes propos.

    « -Ah ! Si on voit le paysage, c’est que la chute n’est plus très loin !

    -Ouais, montagnes russes, nyahaha ! Gloussa Mélo en se préparant à la dégringolade les bras en l’air.

    - (ils se tournèrent tous dans ma direction à l’exception de l’animale et glapirent en coeur) Quelle chute ?!

    -Celle en face, souriais-je en m’accrochant d’avantage à la taille de Jack et en enfonçant mon visage dans son sweat pour mieux m’imprégner de son odeur.

    -Je suis trop jeune pour mourir !

    -Et moi trop belle !

    -Comme dans mes cauchemars, ça risque d’être instructif et grisant, s’amusa Pitch.

    -Givre stupide eau, givre toi ! Rugit Jack en envoyant des petits souffles pitoyables de neige de sa main valide, paniqué. »

    Le courant nous entraînait, malgré nos brasses effrénées, vers la chute. Il devenait de plus en plus fort, comme les cris de notre bande qui essayait de résister. Nos tentatives d’échapper aux rapides étaient vaines, nous sombrions dans ces eaux chacun notre tour, remontant, dégringolant, nous cognant aux rochers, buvant la tasse. Pitch, qui essayait de se sortir de ces tumultes en grimpant sur un rocher, glissa involontairement avant de replonger une énième fois dans ces eaux en jurant, Jack qui tentait de se dégager de moi qui restait agrippée farouchement à sa taille, Tamalice et May qui continuaient de se foutre des claques bien que la situation fut critique, et Mélo, seule personne enchantée de cette mésaventure qui nous coûterait certainement la vie, la tête en avant, hurlait de rire en slalomant entre les rochers, comme sur un toboggan. Finalement, les rapides nous entraînèrent dans une dégringolade magistrale de plusieurs mètres. Nous volions tous quelques secondes, pouvant ainsi entendre Mélo s’esclaffer «Je suis une mésange, je voooOOOoole ! », avant d’atterrir violemment contre l’eau aussi dure que du bitume. Le choc fut trop important, plus personne ne dit mot et ne bougea. Nous sombrions ensemble dans les ténèbres des eaux profondes.

     

    « -Câline… Arrête de me chatouiller le nez… Balbutia Tamalice en agitant lentement sa main devant son visage. »

    Sa main rencontra soudainement un pelage rêche qui bougeait au même rythme qu’une respiration. Cette chose couinait à chaque souffle. Elle ouvrit brutalement les yeux et vit un champs de cheveux noirs. Persuadé qu’elle était attaquée, elle hurla en se redressant vivement, réveillant ses compagnons autour d’elle.

    « Un rat ! (elle regarda plus intensément) Ah, non, c’est juste les cheveux de Pitch.

    Et elle se recoucha contre lui en gloussant et en frottant ses mains dans ces cheveux ébène. Mary Sue, qui avait entendu le mot « rat » devint hystérique. Elle se releva et sauta dans tout les sens, le bras en l’air.

    « ?!!!! Il est ou ?! Éloignez cette bête, tuez la, TUEZ LA !!!!!!!! »

    Pitch se redressa à son tour, laissant Tamalice admirer les deux cheveux qu’elle avait prit au passage et observa d’un regard fatigué l’endroit où il se trouvait. Il faisait sombre, des yeux rouges fixaient dans l’ombre leur bande bruyante et l’odeur était affreuse. Ils avaient tous atterrit sur le bord d’un canal d’égout qui continuait de se déverser bien plus loin. Heureusement pour eux, ils étaient hors de porté de cette substance noirâtre qui coulait jusqu’au bout du tunnel, mais Pitch imaginait bien qu’ils avaient du se baigner dedans avant d’arriver ici. Il pu voir de plus que ce tunnel était munit d’un trottoir qui n’en finissait pas de longer les parois en arc.

    Avant de pouvoir réfléchir sur un moyen de partir d’ici, il fut interrompu par le bruit qu’il faisait en respirant. Il toucha du bout des doigts son nez et rentra en contact avec un objet non identifié. Il tira dessus, appuya dessus avant de se le claquer fortement contre la narine et de la coincer encore plus. Jurant comme un oiseau, il s’excita sur cette chose qui avait élu domicile dans son beau nez grec.

    Pendant ce temps, Jack se réveillait doucement bien que la harpie beuglait toujours derrière. Il se sentait écrasé. Ne pouvant pas bouger, il pu seulement redresser sa nuque pour voir ce qui l’emprisonnait de la sorte. Ce qu’il vit lui fit froid dans le dos. Je dormais toujours, enlacée comme un poulpe autour de lui, le bloquant de tout mouvement. Il tenta de se sortir de mon emprise, mais en vain. Il se releva donc maladroitement avec toujours moi l’enlaçant d’une force incroyable.

    « - Euh…Quelqu’un n’aurait pas un pied de biche ou du savon, pour pouvoir la décoller s’il vous plait ?

    -Quequ’un pouait we ire chqui chpasse aec won nez ? Essaya d’articuler le croquemitaine, une pince à linge rouillée accrochée à sa narine droite.

    -Pourquoi tu as une pince à linge dans le nez, toi ? Demanda Jack en relevant un sourcil, intrigué.

    -Un wot de pluche, et je te déssinque, OK ?! »

    Il se contenta de se marrer de la situation de Pitch avant de recevoir un croche pied de celui-ci en guise de représailles. Il perdit l’équilibre et fini sa course dans l’eau croupie. L’effet de la douche froide me fit tout de suite mouche, je me réveillais en piaillant et me secouant, de la boue plein dans la bouche et sur moi. Quant à Jack, il se releva après s’être essuyé son visage boueux d’un revers de manche, fusillant du regard Pitch même s’il était satisfait d’être libéré.

    « -Punaise, c’est quoi cette odeur et ce goût ?! Me plaignais-je en me nettoyant toujours la bouche.

    -Je crois qu’on est dans des égouts, m’informa Tamalice en époussetant sa tenue.

    -Ahahah, t’as mangé de la merde ! Ça ne m’étonne pas de toi, Ricana May après avoir remis en place ses cheveux et repris son calme en ne voyant aucun rat à l’horizon.

    -Il fait vachement noir, remarqua Jack.

    -Ravo, aruti ! On l’avait pas rmarqué !

    -Aaahhh !!! J’ai marché dans du caca ! Beugla la princesse en secouant vivement ses talons. Mes belles chaussures !

    -Taisez-vous ! J’entends quelque chose ! Grinça Tamalice. »

    Plus personne ne dit mot. Elle avait raison, des pas se rapprochaient ainsi que de la lumière. Une immense ombre menaçante apparue le long du mur, nous faisant reculer. Puis, un sifflotement joyeux, l’ombre rapetissait jusqu’à devenir similaire à celle d’un petit animal. La bête apparue.

    « -Ben les amis, qu’est ce que vous faites tous terrés ici sans un bruit? Je m’attendais à ce que vous veniez me rejoindre plus loin ! »

    Mélo. Un soupir de soulagement général se fit entendre (excepté celui de Pitch qui s’en fichait royalement et qui se battait toujours contre sa pince à linge.). Elle se rapprocha, un sourire félin jusqu’aux oreilles et une lampe à huile entre les mains.

    « -Ou as-tu eu ça ? Demandais-je.

    -Dans mon sac, heureusement que je ne l’ai pas lâché pendant notre descente jusqu’ici ! J’ai tout ce qui peut être utile là dedans ! (Elle commença à sortir des choses qui en temps normal ne pourrait même pas tenir dans son sac bien qu’il fut pourtant grand.) J’aaaaiiii une tente, une bouilloire, une couette, des serviettes, des vêtements de rechange, des…

    -Oui, bon, c’est bon, on a compris ! Mais pourquoi tu te balades avec toute ta maison sur ton dos ?! S’impatienta Tamalice.

    -Je suis partie depuis quelques mois à la recherche de la Grande Croquette ! »

    Interloqués, nous la fixions (même Pitch) en se demandant si elle n’était pas plus cinglée que d’habitude.

    « -Ouais, c’est ça, pourquoi pas l’Herbe à Chat Mystique tant qu’on y est ? Se moqua May.

    -Mais je l’ai déjà trouvé ! Je revenais à la capitale pour montrer ma trouvaille lorsque j’ai été attaquée par cette bête féroce dans la forêt ! Regardez ! »

    Elle nous tendit un sachet tout droit sortit de son sac à dos, je le pris entre mes mains et défit les ficelles qui le nouaient. A l’intérieur se trouvait une herbe à chat totalement ordinaire si on omettait le fait qu’elle brillait d’une sainte lumière. Cette herbe à chat fit frémir Mélo, ses yeux s’illuminèrent, elle tendit ses petites pattes félines pour en prendre une brindille et la frotta vigoureusement contre son visage.  Puis brusquement elle se redressa, ses pupilles étaient dilatées, ses moustaches vibraient et elle se mit à sauter partout, en commençant par le plafond. A quatre pattes et excitée comme jamais, elle grimpait aux murs, s’agrippant fortement grâce à ses griffes en poussant des miaulements fous. Et contre toutes attentes, elle se mit à gesticuler devant nous.

    « -Elle a pété un plomb, tous aux abris ! Criais-je en gardant le sachet entre mes mains et en reculant brutalement, prête à m’enfuir. »

    Elle sauta avec un regard dément et des cris stridents vers May avant de se lâcher sur elle.

    « -Putain, elle m’a vomi sur les godasses ! S’époumona Mary Sue qui ne comprenait pas pourquoi on s’en prenait autant à ses belles chaussures. »

    Puis elle prit son élan, après avoir gentiment vomi ses boules de poils sur les belles chaussures pailletés, pour sauter, les quatre pattes tendues vers sa cible, sur la tête de l’elfe qui ne s’y attendait absolument pas.

    « -Faites la descendre de ma tête, FAITES LA DESCENDRE DE MA TÊTE !!! Hurla Tamalice en essayant d’arracher la furie qui s’accrochait avec ardeur de ses griffes à sa coiffure. »

    Finalement, elle tourna la tête dans ma direction. Elle avait repéré le sachet que je tenais. Sans réfléchir, je partis en courant en oubliant de lâcher cette gousse. Elle bondit dans ma direction et galopa à quatre pattes derrière moi. A mes trousses se trouvait donc Mélo, bourrée à l’herbe à chat, et derrière toute la bande qui tentait de suivre la cadence effrénée qu’on avait entreprise. Habituellement, j’aurais été rattrapée à une vitesse incroyable, mais la peur de cette bête sauvage devait me faire pousser des ailes car je cavalais comme jamais je n’avais cavalé de ma vie.

    Irrémédiablement, je trébuchai à une intersection, ayant mal anticipé mon virage. Je m’écroulais de tout mon long sur le sol sale, écrasant le sachet sous mon ventre involontairement. Mélo se jeta sur moi comme une furie et entreprit de faire le tri dans mes cheveux à coup de griffes. Je hurlais à chaque coup de pattes. Puis tous nous rattrapèrent et Jack et Tamalice sautèrent sur la bête, qui s’en prenait désormais à mes bras en les grignotant sans remords, pour tenter de l’immobiliser. Ayant un moment de répits, je pus m’extirper de la poigne de la furie soue. Alors que je me relevais avec difficulté, je vis une échelle au dessus de nous et une bouche d’égout qui ne demandait qu’à être déplacée : Une sortie en somme. Faisant signe à Pitch et Mary Sue pour qu’ils me fassent la courte échelle, étant trop petite pour atteindre les barreaux, le croquemitaine fut le seul à bouger tandis que les deux autres continuaient leur combat à terre dans des cris déchaînés. Il me fit sauter et j’attrapais cette maudite échelle. Mais Mélo avait réussi à s’arracher de la poigne de mes deux sauveurs et bondit sur mon dos. Toujours accrochée, je montais quand bien même la féline lacérait mon t-shirt. Derrière était suspendue Tamalice et Jack, qui ne lâchaient pas la queue de Mélo, Pitch qui grimpait en poussant le givré et Mary Sue qui s’accrochait au manteau de Pitch. Arrivée à hauteur de la bouche d’égout, je la soulevais et m’élançais de mes dernières forces à l’extérieur.

     

    Selon le point de vue des gens de l’extérieur qui se trouvaient sur la place à ce moment là, ils virent une jeune blonde, les cheveux foncés par l’eau croupie et en bataille, les vêtements déchirés, attaquée par une bête au regard fou qui lui arrachait tout ce qu’elle pouvait avec ses griffes, apparaître d’une bouche d’égout en volant, un sachet brillant dans sa main tendue vers le ciel. Apparues dans la foulée une elfe aux cheveux roses griffée au visage, sauvagement accrochée à la queue de l’animal ainsi qu’un jeune albinos, tout aussi violenté, suspendu de la même façon que l’elfe. Un homme au nez de mégalithe de l’île de Pâques et à la coiffure de cacatoès les accompagnait dans leur ascension volante, une pince à linge dans le nez et une expression de haine profonde au visage, suivit d’une fille de toute beauté à l’expression déformée par le coup de coude qu’elle recevait par l’homme à la peau grise. Ces personnages délirants apparaissant de nulle part étaient escortés d’une puanteur à faire pleurer un poisson. Si les appareils photos avaient existé dans ce monde, ces jeunes gens auraient fait la une des journaux pendant longtemps… Mais cela n’empêchait pas qu’ils feraient la risée de toute la ville à présent.


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