• Les explosions s’enchainaient telles des feux d’artifices mais à même le sol, décimant tout sur leur passage. Les hurlements étaient de moins en moins audibles à chaque percements d’obus contre une maison, l’herbe brulée, la terre ou même des personnes. Et dans cet univers de chaos, une jeune fille courait, recherchant sécurité dans un paysage apocalyptique. Les débris soulevés par le souffle des explosions venaient parfois l’égratigner, mais peu l’importait, elle voulait partir d’ici, creuser un trou et se cacher. L’adrénaline l’empêchait d’avoir mal, seule la peur lui torturait l’estomac et la forçait à continuer. Cependant, l’adolescente n’avait qu’un échappatoire, la fuite. Où? Elle ne savait pas, mais du moment ou elle pouvait fuir ce massacre, elle s’en fichait. 

    Dans les rues avoisinantes, des gens l’imitaient, slalomant entre les débris et les corps comme des petits animaux apeurés, comme elle. Au fur et à mesure que les maisons passaient tout au long de sa course, elle apercevait des enfants seuls, des blessés accroupis le long de la route et agonisants, sans compter les coureurs qu’elle continuait de croiser à chaque nouvelle intersection. Des explosions survenaient à intervalles irréguliers, faisant parfois pousser des ailes aux malheureux qui se trouvaient sur leur chemin. 

    A force d’être distraite par ce chaos, son pied percuta une masse au sol et la fille se rattrapa tant bien que mal, évitant ainsi la rencontre brutale avec le sol. Elle savait que regarder, c’était se faire mal à elle-même, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher, sa curiosité (la panique?) l’emporta et son regard dériva un instant sur ce qui avait faillis causer sa perte. Un corps d’enfant. Du sang mêlé à de la terre le recouvrait un peu partout, ses cheveux étaient en bataille et recouvrait une partie de son visage sans pour autant cacher la partie brulée au troisième degré. La peau était tellement calcinée que la paupière n’était plus que poussière, laissant ainsi son oeil mort et sans vie sortir de son orbite. Sans compter son bras gauche et ses deux jambes qui formaient des angles impossibles d’ordinaire. Et tout cela, elle avait pu le distinguer en un quart de seconde sans le vouloir. la jeune fille fut prise d’un haut le coeur non seulement en sentant l’odeur de chair brulée qui émanait de lui mais aussi en voyant de telles atrocités sur un corps d’enfant. L’envie de l’enterrer comme il se doit lui vint à l’esprit, cependant une bombe s’écrasant contre la maison à quelques mètres d’elle lui fit recouvrir la raison. Elle devait trouver un endroit ou elle pourrait être sauve. Et elle continuait ainsi à courir. A sa perte? Peut être...La nature humaine n’était finalement pas si différente de celle des animaux. Lorsque le danger se pointait, pas question de l’affronter, il fallait battre en retraite. Oui...Elle n’était pas mieux qu’un petit lapin effrayé par l’arrivée d’un chasseur...

    Une explosion survint au dessus de l’adolescente, puis un long sifflement effrayant alors qu’elle sautait au dessus d’un unième corps. Un obus s’écrasa sur sa route à 3 mètres, la soufflant et soufflant les vitres des maisons avoisinants. Elle percutait le semblant de goudron qu’il restait sur son passage et atterrit 5 mètres plus loin après une longue glissage sur le côté. Un peu sonnée, la lycéenne restait immobile à plat ventre puis tentait de se relever pour voir l’étendu des dégâts. Elle se retournait en lâchant un râle lugubre et plein de souffrance avant de voir qu’un nombre incalculable de petits cailloux et morceaux de verre s’étaient logés dans sa peau brulée pendant sa chute. Sa cheville semblait légèrement tordue, que dis-je, extrêmement. Un peu plus et elle formait un angle droit! Désormais, impossible de fuir, elle devait prier pour que rien ne lui tombe dessus, exposée comme elle était. Puis un bruit de radio et ce sifflement atroce. la fille levait un oeil dans l’espoir que ce ne soit qu’un oiseau blessé (tu parles!) et vit un avion en pleine chute libre avec à son bord, un pilote recherchant un semblant d’aide auprès de ses compères à l’autre bout du fil. Sa piste d’atterrissage: Elle. Les larmes mouillèrent les yeux secs et brulants jusqu’à présent de la jeune fille. Alors c’était ainsi que sa vie devait s’achever? Elle avait eu une existence bien misérable dans ce cas, traitée comme une moins que rien, un larbin, une bouche trou, qu’avait-elle bien pu faire par elle-même avant tout ça? Rien, tel était le problème. Elle se calait et se couchait sur le dos. Après tout, c’était la seule chose dont elle pourrait se venter lorsqu’elle aurait rejoins les autres là-haut: avoir fait face à la mort jusqu’au dernier moment. Et c’est devant l’effrayant spectacle d’un avion de guerre s’écrasant, entouré d’un cercle de feu et de crépitement de flammes que son regard croisa le pilote. 

    Lui aussi il n’avait du jamais vouloir être ici, se dit l’adolescente en voyant toute la peur, le désespoir, la solitude dans son regard. 

    - «Pauvre garçon, on se retrouve dans l’haut delà, ricanait-elle, un semblant d’hystérie dans sa voix.»

    Une larme glissa de son oeil droit et la lumière envahie son entourage avec toujours cet affreux sifflement de chute en fond.


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