• Chapitre 5 [Par Tamalice]

    Bon dieu de merde, comment on avait réussi à se foutre dans une telle situation ? On a des cannibales au cul, le feu qui se répand dans la forêt, dévorant la végétation tout autour de nous, et cette grognasse de Mary-Sue dans les bras du prépubère qui s’excite toute seule !!

    La troupe de bras cassés fonçait à toute vitesse sur le sentier sans un regard en arrière. Tamalice à l’avant, aidée de sa vitesse elfique, suivie de Pitch, avec ses grandes jambes, Mayumi, s’efforçant de courir à toute allure, deux petites créatures de sables s’accrochant tant bien que mal à ses cheveux, tandis que Jack, à l’arrière, était ralenti par le poids de Mary-Sue, qui n’avait pas compris la gravité de la situation et caressait le torse du jeune homme de ses mains parfaites.

    La meneuse entendit un fracas épouvantable venant de devant eux, comme un monstre qui chargeait, avant de percuter de plein fouet quelque chose. Elle tomba violemment sur le dos alors que tous freinaient des quatre fers et que la chose en question échappa un miaulement apeuré.

    Tama se redressa à toute vitesse, pressée par l’urgence, dévisagea un instant la chose avant de la remettre sur pied. Elles tournèrent des talons ensemble alors qu’un animal colossal bardé de cornes émergeait des broussailles, poussa un brame féroce et piétina à fond de train en direction du groupe.

    Mayu et les Légendes n’eurent pas besoin d’un regard de connivence pour s’élancer à la suite des deux autres, la bête aux trousses. Les six revinrent sur leurs pas, bifurquèrent dans un chemin en voyant les aborigènes arriver en face, tentant d’échapper aux flammes, et continuèrent à sprinter entre les branchages et les fougères embrasés. Ceux de tête entendirent May hurler hystériquement : « Chaud ! Chaud ! » lorsque le feu gagna ses chaussures, alors qu’elle secouait le pied et déséquilibrait Jack pour tenter de l’éteindre. Malgré leur situation, Tamalice ricana intérieurement et ne prêta aucune attention au précipice qui s’ouvrait béant à ses pieds. Elle posa le pied dans le vide et tomba comme une pierre. Mayu s’arrêta nette, horrifiée, et hurla le nom de son amie, son cri recouvert par le bruit d’une cascade gigantesque qui chutait à grands fracas sur sa droite. Alors que Pitch et la chose se stoppaient au bord de la falaise, Jack arrivait derrière, et, entrainé dans son élan par le poids de la Mary-Sue, ne put freiner à temps et heurta les autres, les entraînant tout les cinq dans une descente mortelle à la suite de l’elfe….

    ***

    Quenotte avait enfin réussi à se débarrasser de la graine que l’autre bringue lui avait enfoncée sur le bec. Allégée d’un pois et pouvant de nouveau pépier à son aise, elle s’éleva dans les airs, au-dessus de la canopée, et fixa un instant la forêt sous ses pieds qui avait pris feu. L’incendie se propageait dans toutes les directions, et elle entendit les hurlements des aborigènes qui cherchaient à y échapper. Elle secoua sa petite tête ronde puis scruta la végétation, à la recherche de son « maître » et de la troupe d’abrutis qui l’accompagnait. Elle les repéra, détalant en direction d’immenses chutes d’eau, et se mit à voleter à tire-d’aile vers eux.

    ***

    Tamalice hurla, s’arrêta un instant pour reprendre son souffle, puis hurla de nouveau, ce qui la fit boire la tasse lorsqu’elle plongea tête la première dans l’eau. Le courant violent l’entraîna à plusieurs dizaines de mètres de la cascade, puis les rapides se calmèrent et elle pu enfin émerger en hoquetant. Les autres suivirent le même chemin et ils se trouvèrent enfin tous réunis, Quenotte virevoltant joyeusement au-dessus d’eux.

    -Seigneur ! Les flammes ont carbonisé le cuir de ma botte, elle est foutue ! Je refuse d’apparaître en public si ma chaussure est abîmée !

    -Aah, je suis tombé dans l’eau sur les fesses, ça claque…

    -Je suis en train de me faire tuer par mes cheveux !

    -C’est vraiment un bon à rien ce Frost ! Sans lui on ne serait pas tombés !

    -Miaou ?

    L’elfe pataugea vers son amie pour l’aider à se dépêtrer de sa tignasse qui menaçait de l’étouffer (ce qui permit à celle-ci de remarquer la petite fée des dents et de la fourrer dans sa poche avant que Jack ne la remarque) puis s’adressa à May d’un ton railleur :

    -Heureusement qu’il y avait toute cette eau, c’était au moins ce qu’il fallait pour éteindre le feu que t’avais au cul !

    -Dommage que tu te sois pas noyée avec, manche à couilles ! Ca nous aurait débarrassés de la catastrophe naturelle que tu es !

    -Oh, Dame Mary-Sue perd sa superbe et s’adonne à un langage vulgaire ? Je doute que…

    -Silence !

    Pitch Black se dressait de toute sa hauteur, bien qu’un peu moins classe que d’habitude avec ses cheveux tripés et collés à son visage. Il poursuivit de sa voix suave habituelle :

    -L’important pour le moment serait de réussir à nous extirper d’ici, et de trouver des êtres civilisés capables de nous donner aider. Puis, se tournant vers Mayu et son amie, il ajouta :

    -Etant donné que ces deux jeunes filles, lors de notre rencontre, nous ont dit qu’elles vivaient sur cette île, je n’ai aucun doute quant à notre avenir.

    Il leur souri d’un air confiant, bien qu’il eut compris dès le début de leurs mésaventures que tout était du pipeau. Maintenant qu’il les avait mises dans une situation inconfortable, il voulait bien savoir par quelle pirouette elles allaient s’en sortir, en particulier Tamalice, qui avait l’idée du mensonge. On allait voir si elle était vraiment si futée…

    -Vivre sur cette île ? Oh les mythos ! Ces pouffes elles vivent dans une résidence universitaire pourrie avec même pas l’eau chaude !

    Bon, ben, pas de pirouette en fait.

    Tous se tournèrent vers la petite princesse, même la chose féline qui ne devait rien piger, et l’elfe menaçait de vomir mille insanités répugnantes envers sa pire ennemie, qui venait de foutre en l’air leur couverture. Jack éructa :

    -Quoi ?! Vous nous avez menti ?! Vous ne savez pas comment nous sortir de cet endroit ?

    Il regarda dans toutes les directions, abasourdi, avant de beugler :

    -On vous faisait confiance !

    Pas moi, espèce de petit merdeux. Si t’avais un tant soit peu été moins naïf, t’aurais remarqué que ces filles n’avaient dit ça que pour trouver un prétexte afin de rester avec nous.

    Mayumi se tortilla, gênée, tandis que la peste ricanait, heureuse de son effet. Elle changea d’attitude subitement, et, passant ses doigts délicats dans sa chevelure noire, déjà sèche et parfaitement uniforme et bien coiffée malgré la descente dans un torrent, elle s’approcha tout en volupté du jeune homme, collant sa poitrine magnifique à son torse et minauda de sa voix sublime :

    -Mais ne t’en fait pas, Jack, moi je suis là et tu peux me faire conf…

    Il la vira d’un revers de la main et elle tomba à la flotte en poussant un petit cri outragé. Les deux amies gloussèrent conjointement puis la blonde s’approcha de lui, une expression de regrets sincères dans le regard.

    -Ecoute, Jack, je… Je suis désolée. Je sais que sans nous, vous n’en seriez pas arrivés là, et que tous ce qui vous est arrivé est de notre faute. L’expression du jeune homme s’adoucit à ses paroles. Une inspiration vint soudainement à la tête de citrouille et elle tira la fée de sa poche, la tendant vers lui.

    -Même si tu ne me pardonnes pas, j’ose espérer que tu puisses moins me haïr en sachant que j’ai sauvé ton colibri des flammes !

    L’expression de Jack se transcenda : d’une moue dubitative, il paru fou de joie tandis que Quenotte volait vers lui après avoir tiré la langue à sa ravisseuse. Celle-ci reprit sa respiration un instant, puis lorgna de côté l’elfe et s’écria :

    -Et puis c’est elle ! Moi je n’ai rien fait ! Elle me tape si je ne la soutiens pas !

    Elle feint de s’évanouir pour parfaire sa comédie, mais ils avaient de l’eau jusqu’aux cuisses et elle émergea bien vite en crachotant. Tamalice fit un grand sourire malsain au Croquemitaine et asséna :

    -Je ne regrette rien.

    ***

     Ils avaient détaillé l’endroit où ils se trouvaient. C’était une sorte de vasque naturelle, aux falaises de pierre escarpées et hautes de six bons mètres. L’eau s’écoulait en douceur en un point du réservoir opposé à son lieu d’arrivé, leur montrant la sortie. Ils avaient tentés de sortir en escaladant les parois, mais la roche humide et l’eau alourdissant leurs vêtements, ils avaient du renoncer.

    Mayumi, curieuse de nature et tentée de se faire une nouvelle amie, avait fait connaissance avec l’être félin, et avait découvert qu’elle s’appelait Mélo et qu’elle parlait. Elle était constamment agitée et avait décidé de faire chier un peu tout le monde, ou du moins Mary-Sue, qu’elle suivait à la trace, la bouche en cœur, avant de lui cracher de l’eau à la figure (« -Non mais ça va pas?? –Nya nya nya… »). Ses cheveux bruns tombaient en bataille autour de son visage rond ; elle était vêtue d’un corsaire bleu et d’une tunique plus sombre, serrée à la taille d’une ceinture en tissu et portait de nombreux foulards superposés les uns aux autres, tintant à chaque mouvement à cause des sequins qui y étaient cousus.

    La blonde se rapprocha de Tama.

    -Il faudrait que l’on parte d’ici, au moins histoire de s’occuper. Je me vois mal rester indéfiniment, et les autres vont s’impatienter. Et on va finir par se transformer en corail, regarde j’ai des crabes qui essaient de me prendre pour un rocher ! Termina-t’elle en secouant frénétiquement la jambe hors de l’eau pour en virer les crustacés qui y avaient élu domicile.

    -Je pense aussi, mais on n’a plus d’autre chemin que la rivière qui s’en va, à l’opposé de là où on est arrivés, et on ne sait pas où ça mène.

    Mélo, qui avait décidé de stalker May et la suivait, immergée jusqu’au museau, avant de lui cracher dessus à intervalles réguliers, se retourna vers elles tandis que sa victime filait se planquer derrière les deux hommes.

    -Il y a une ville en aval du ruisseau, vous pourrez certainement y trouver ce que vous cherchez. Vous cherchez quoi au fait ?

    Les deux amies se concertèrent du regard avant de questionner la fille-chat : où, à combien de kilomètres, quelle ville, de quelle taille, comment sont ses habitants, peut-on y dormir (« -bah oui, vous trouverez bien un carton pour dormir, vous n’avez pas d’argent hein. »).

    -C’est une ville très importante, la plus influente de la région, vu que la famille royale y vit. Plein d’étrangers y viennent, alors les gens sont habitués, vous n’aurez pas l’air trop bizarres. On y pratique la magie couramment et c’est un centre d’étude, donc de nombreux savants y vivent. Elle est à quelques kilomètres d’ici, on peut s’y rendre en descendant la rivière. Elle est cernée de toutes parts de falaises, on ne peut pas en sortir pour l’instant, seulement quand on sera en ville.

    Jack et Pitch, qui s’étaient rapprochés, se dirent que c’était sûrement le meilleur moyen pour trouver quelqu’un qui saurait les aider à rentrer chez eux.

    -On devrait s’y rendre, c’est le seul moyen pour avancer dans notre situation, argumenta l’esprit du froid.

    -Sans oublier les érudits, qui doivent avoir dans leurs archives des traces de personnes de notre monde échouées ici. Il n’y a pas de raison pour que nous soyons un cas unique, plaida le Croquemitaine.

    -De toute manière, on peut pas rester là indéfiniment, mit en évidence Mayumi.

    -Tant qu’il y a à bouffer et du feu dans l’âtre, ça me va, lâcha Tamalice.

    -J’ai un peu d’argent sur moi, je pourrais vous payer une chambre d’hôtel, proposa Mélo.

    -Je suis sûrement la fille disparue du roi et de la reine de cette ville, voire la fiancée de leur fils unique. En tant qu’authentique bénéficiaire du pouvoir, figure d’autorité et emblème de la beauté et des papillons arc-en-ciel auprès du peuple, j’ai le devoir de sauver la contrée contre les forces obscures qui complotent en ce moment-même.

    Tous dévisagèrent Mary-Sue pendant un long, long moment. Elle leur rendit leur regard de ses yeux détenteurs de sagesse et de vérité. Ils la regardèrent. Elle les regarda. Ils la regardèrent. Elle les regarda. Ils la regardèrent. Elle les regarda. Ils la regardèrent. Elle les regarda. Puis ils décidèrent qu’ils en avaient marre et prirent la direction de la rivière menant à la cité.

     

     


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